En Argentine, un village fait bouger les lignes en demandant le droit de cultiver du cannabis pour soulager les patients à qui il pourrait être utile.

Derrière le maire et le médecin du village, c’est la paroisse, la police, les voisins et quasiment l’ensemble de la petite dizaine de milliers d’habitants de la bourgade de General La Madrid, à 450 kilomètres de la capitale argentine, qui soutiennent un projet commun : devenir le premier lieu en Argentine à cultiver du cannabis légalement à des fins thérapeutiques, et à lancer des programmes de la recherche sur les effets médicaux de la plante.

Contrairement au village espagnol de Rasquera — qui en 2012, au cœur de la crise, avait eu un démarche similaire, mais plutôt pour sauver les finances du village et offrir un emploi aux habitants — General La Madrid se situe dans une zone agricole prospère d’Argentine. La visée du maire Martín Randazzo pour son village est tout autre, car il cherche plutôt à offrir une identité, à faire société autour d’un projet fort : « Ça nous permettrait de venir en aide, mais ça nous aiderait aussi, en renforçant nos racines, en nous ancrant comme un village différent » déclare-t-il.

Le conseil municipal a donc formellement transmis au Congrès Argentin de Buenos Aires une demande de dépénalisation de la culture et la production de cannabis à des fins thérapeutiques,  toujours interdites dans le pays. Cependant, le maire, chirurgien de formation, reste réaliste quant à la demande : « qu’ils nous donnent des autorisations pour lancer un essai clinique, et ainsi permettre la recherche au niveau local. Ça serait un pas très important, et le changement de législation serait le pas suivant ».

0001539310

Dans le sous-continent, seul l’Uruguay permet l’accès à du cannabis sur prescription médicale, et le Chili a engagé un processus de réflexion en vue d’une loi régulant la filière du cannabis médical, avec une culture expérimentale de près de 6000 plantes.

À l’issue de la délibération, justement inspirée par les réflexions du voisin chilien, le maire se réjouissait du consensus collectif sur le sujet, appelant la classe politique à « se mettre dans les bottes de ceux qui souffrent« , ajoutant que le conseil municipal était convaincu que le cannabis « peut améliorer la qualité de vie des patients, jouer sur la douleur, le sommeil… ». Pour traiter les douleurs, l’épilepsie ou certains cancers, le village envisage de développer aussi bien les extractions que les dispositifs de vaporisation ou les comprimés, ainsi que des centres de recherche en oncologie et en soins palliatifs.

2179360w640

L’histoire à commencé avec l’intérêt du Dr Marcelo Morante, médecin local et professeur à l’Université régionale, pour les usages thérapeutiques de la « marihuana », interpellé par une si grande rigidité des institutions face aux témoignages des malades, et prêt à relever le « défi éducatif » que constitue la recherche sur le cannabis thérapeutique. Faute de recherche dans son pays, c’est au Canada — un pays où les dispensaires permettent, sur prescription médicale, un accès à des fleurs de cannabis — que le Dr Morante est parti s’instruire sur le sujet, avant de revenir dans son village natal pour y diffuser ses savoirs, une tâche qu’il a semble-t-il réussie à merveille.

Après avoir convaincu son village au complet, le Dr Morante réussira-t-il à convaincre le Congrès Argentin du bienfondé de son initiative ? C’est bien possible, au vu de la dynamique réformiste qui parcourt l’Amérique Latine… L’avenir proche nous le dira, d’autant qu’après l’Uruguay, un autre géant d’Amérique Latine entame le chemin vers une régulation intégrale de la filière cannabicole : le Mexique.

 


 

Sources et infos pour aller plus loin :

Crédits photos, Revista THC (Chili)