(AFP) – Il y a 2 heures

Montevideo — Le projet de légalisation du cannabis en Uruguay, qui ferait notamment de ce petit pays sud-américain le premier où l’État contrôlerait la production et la vente de marijuana, a commencé à être examiné devant la Chambre des députés, première étape en vue de son adoption.

S’il est adopté par les députés, le texte devra ensuite être approuvé par le Sénat avant sa promulgation.

Ce projet de loi prévoit notamment que l’État « assumera le contrôle et la régulation de l’importation, de l’exportation, de la plantation, de la culture, de la récolte, de la production, de l’acquisition, du stockage, de la commercialisation et de la distribution du cannabis et de ses dérivés ».

L’objectif avoué de ce texte déposé à l’été 2012 par la présidence mais élaboré par le Parlement, où sont majoritaires les élus du Frente amplio (gauche, au pouvoir), est de « minimiser les risques et réduire les dommages de l’usage du cannabis ».

La consommation n’est actuellement pas pénalisée en Uruguay, contrairement à son commerce.

Le but « n’est pas de promouvoir la consommation, la consommation existe déjà », a déclaré mercredi en début de séance le député Sebastian Sabini en présentant cette loi défendue par le président Jose Mujica.

Selon lui, le texte vise principalement à couper les consommateurs des réseaux mafieux et à lutter contre le trafic de drogue qui « finance le crime organisé et des activités illicites comme la traite de personnes, la vente d’armes ou le blanchiment d’argent ».

« Cela ne signifie pas que nous devons cesser de lutter contre le trafic de drogue, cela signifie qu’il faut le combattre dans ses aspects substantiels, sans nous en prendre à l’usager qui a 40 grammes dans la poche », a poursuivi M. Sabini.

De son côté, le débuté du Parti National (opposition) Gerardo Amarilla a estimé que cette loi revenait à « jouer avec le feu ».

« Sommes nous disposés à sacrifier une génération pour nous rendre ensuite compte que nous nous trompons, que nous n’allons pas en finir avec le marché noir (…) qu’il va y avoir une hausse de la consommation? », a-t-il protesté.

Si le texte était approuvé, un organisme serait créé – l’Institut de régulation et de contrôle du cannabis (IRCCA) – afin de gérer la production et la distribution, et de veiller à l’application de la loi. Les consommateurs, résidents en Uruguay majeurs et inscrits dans un Registre des usagers, pourraient acheter jusqu’à 40 grammes par mois dans des pharmacies autorisées.

L’Etat vendeur: une première mondiale

La loi prévoit aussi de permettre la culture à usage personnel à hauteur de six plants. La création de clubs de consommateurs de 15 à 45 membres serait également permise, avec une limite autorisée de 99 plans.

La gauche bénéficie d’une courte majorité au Parlement et il n’était pas acquis mercredi que tous ses élus votent en faveur du projet, malgré d’âpres négociations en amont qui ont retardé son examen. De son côté, l’opposition fait front uni contre cette loi. Le vote des députés devrait intervenir dans la nuit de mercredi à jeudi au terme de débats qui s?annoncent très longs, notent les observateurs.

La vente par l’État uruguayen de cannabis aux consommateurs enregistrés constituerait une première mondiale selon les experts.

En revanche, l’autorisation de la culture privée pour un usage personnel n’est pas inédite: elle est autorisée dans le Colorado (États-Unis), où chaque adulte a le droit de cultiver six plants à l’intérieur de sa maison. En Espagne, la loi tolère également la production de cannabis dans un cadre privé, entre personnes majeures et dans un cadre strictement non lucratif.

Aux Pays-Bas, bien que techniquement illégale, la vente et la consommation de cinq grammes de cannabis par personne au maximum est tolérée depuis 1976 dans les « coffee shops » alors que la culture et la vente en gros restent interdites et sont aux mains de groupes criminels.

Selon le Conseil national des drogues (JND), l’Uruguay, pays de 3,2 millions d’habitants, compte quelque 20.000 consommateurs quotidiens de cannabis sur un total de 120.000. La JND estime à 22 tonnes la quantité de drogue commercialisée chaque année dans le pays, ce qui rapporte sur les marchés parallèles de 30 à 40 millions de dollars.

Un récent sondage de l’institut Cifra révèle que 62% des Uruguayens sont opposés à cette loi, contre seulement 26% de partisans.

Copyright © AFP 2013. Tous droits réservés.