Chaque trois ans, Dr Rudolf Brenneisen organise en Suisse un grand colloque pour faire le point sur le cannabis médical en y invitant chercheurs, médecins et représentant.e.s officiels.

Après “Cannabinoïdes en médecine – une option ?” en 2013 et “Cannabinoïdes en médecine – Tendances nouvelles” en 2016, ce numéro #3.0 avait pour intitulé “Cannabis Médical – présent et futur”. Et comme chaque fois, Dr Brenneisen a rapidement et gratuitement mis à disposition les slides de ceux qui, parmi les intervenants, acceptent leur diffusion (voir les liens ci-dessus).

Deux membres NORML France y ont assisté, le médecin Olivier Bertrand et Alex Maillard, une bénévole de la région, dans le but d’élargir leurs connaissances. Ils ont pu y revoir des têtes connues: Simon Anderfuhren, Greg Schaeffer de Swiss Safe Access for Cannabinoids, Dr Ilya  Reznik , un des organisateurs de l’ICBC, qui a d’ailleurs invité “notre” Dr Bertrand à parler à l’International Cannabis Business Conference Berlin entre autres.

 

Cette journée sur le cannabis médical s’est tenue à l’Inselspital de Berne, en faisant salle comble avec plus de 300 participants du monde entier; Corée du Sud, Chine, Afrique du Sud, USA, Amérique latine, Canada, Israël ou Finlande. Des écouteurs pour traduction simultanée en anglais, français et allemand étaient disponibles.

Nous avons tous pu noter la très favorable évolution de pensée des autorités suisses par rapport à 2016 et la présence attentive de Monsieur Markus Jann, Coordinateur National pour les Drogues à l’OFSP (Office Fédéral de la Santé Publique Suisse) qui, dans un discours étonnant, a reconnu la valeur médicale du cannabis, fait l’historique des mauvaises raisons ayant mené à la prohibition et a félicité l’audience d’être présente et de s’engager pour rendre visibles les vertus du cannabis médical, malgré les risques professionnels et légaux. Pascal Stuck, directeur de l’OFSP, était également présent lors de cette journée.

L’assistance a appris que ce n’est qu’en 2008 que le premier patient a pu recevoir du cannabis médical en Suisse, dans la pharmacie de Dr Manfred Fankhauser. Et que,  malgré le manque d’études cliniques toujours invoqué, il y avait eu 10’000 autorisations exceptionnelles en 2017 pour la délivrance de produits médicinaux à base de cannabis, ce qui était beaucoup et ne pouvait continuer de cette façon, mais qu’il y avait actuellement trop d’obstacles pour changer cela. Que donc le Conseil Fédéral a décidé de créer les bases juridiques pour une prescription de cannabinoïdes élargie et simplifiée et un projet de loi devrait être déposé fin-juin, pour être applicable en 2021. Et de presque s’excuser de demander encore de la patience aux patients…

Parallèlement à cette très notable et bienvenue évolution du discours et des perceptions générales, nous avons trouvé en général que les interventions étaient cette fois un peu moins pointues, scientifiquement parlant, qu’en 2016. Par contre il a été souvent répété par les professionnels l’importance que revêtait l’écoute des patient.e.s en la matière, l’intégration de leur expertise et expérience.

Dr Brenneisen de rappeler que la STCM avait été créée il y a 30 ans par “une poignée de Freaks” et que son existence ne serait peut-être plus utile du tout en 2021…

La présentation de Dr Raquel Peyraube fut vivante et grandiose, imprégnée de vérités trop souvent tues. Elle a notamment insisté sur le rôle et la responsabilité des médecins dans l’accompagnement de leurs patients vers les thérapies au cannabis. Ils ne peuvent vraiment plus se défausser derrière l’ignorance ou l’interdit, ils doivent agir à leur niveau.

Canopy Growth avait aussi envoyé une délégation du Canada et le discours du Dr Mark Ware, actuel directeur médical de l’entreprise, a semblé très juste, enthousiaste et encourageant. Il a parlé de la “Real World Experience” du Canada, qui a des régulations entourant le cannabis médical depuis 1999 et de l’importance d’avoir un circuit “non-pharma”, allant du producteur licencié directement au client usager, en passant par les experts médicaux. Que la limite de 2.5gr de fleur par jour est aberrante car elle ne tient pas compte des quantités nécessaires pour obtenir des concentrés, etc.

Pas de récepteurs CB dans le bulbe rachidien contrôlant les fonctions vitales = pas de surdoses létales

Franjo Grotenhermen était présent en visio conférence avec pour thème “Le dilemme du cannabis”, qu’il évoque comme cela :
Les produits du cannabis sont faciles à obtenir, même s’ils sont contraires aux lois. Les patients ne sont donc pas obligés d’attendre que des compagnies pharmaceutiques aient mis leurs molécules sur le marché pour en avoir. Donc une question émerge: “Y a t’il encore une raison convaincante pour que les gouvernements continuent d’interdire l’accès à ce remède aux personnes sérieusement malades ?”

De plus, les produits au cannabis ne sont pas semblables aux autres médicaments, car il n’est pas suffisant de mener de larges essais cliniques, afin de faire approuver 2 ou même 5 indications par les Autorités de Santé pour exploiter le potentiel thérapeutique complet des composés du cannabis. Combien de décennies devront attendre les soignants avant que ce potentiel soit complètement exploité après essais cliniques ? Comment peut-on justifier de faire attendre ces patients pendant des décennies ?

Au fil des présentations, l’assistance a aussi ré-entendu des faits concernant le CBD, que le chanvre dit “agricole-légal” ne contenait au mieux que 4 à 5% de CBD, mais qu’en Suisse la tolérance à 1% de THC permettait de travailler des cultivars allant jusqu’à 20% de CBD, que le CBD full extract était plus efficace que le CBD purifié, qui présentait une courbe d’effets en forme de cloche tout en demandant de plus hauts dosages pour être efficace, que le CBD est sûr même à très hautes doses 1500mg/jour et que les effets optimaux sont généralement constatés à >500mg/jour, que le CBG renforçait l’effet anxiolytique du CBD, etc.

Une adresse web nous a été recommandée, pour un état des légalisations dans le monde souvent réactualisée: https://en.wikipedia.org/wiki/Legality_of_cannabis. Il y a eu des bons mots, comme la description actuelle du cannabis qui est “Legally irregulated” (légalement dérégulé), et un consensus autour du mot “Endocannabinologue” pour désigner la spécialité du médecin utilisant le cannabis médical.

Une salle annexe était également dédiée sur place aux différents distributeurs et sponsors désirant faire connaître leur marque et leurs produits comme SSAC, Parkinson Suisse, Cannatrade, Purexis, Bedrocan, entre autres.