Un système d’auto-support pour les usagers de cannabis

Les cannabis social club ou les clubs compassionnels n’ont pas de logique de profit, prévenant ainsi toute incitation à la consommation par des logiques commerciales. La production se fait à la demande: elle est déterminée par les besoins du club. Ce type de structure permet d’atteindre tous les usagers de chanvre, en ne se basant presque que sur le critère d’implantation géographique: les expériences belges et espagnoles ont montré que les clubs cannabiques attiraient une population de catégories socio-professionnelles et d’âge très variés. Ainsi se retrouvent dans ces lieux de socialisation et de régulation par les pairs, des individus de tous âges, aptes à transmettre des expériences diverses et un auto-support d’autant plus riche.

Le but premier de ces structures est de réduire les dommages sanitaires et sociaux liés à l’usage du chanvre. L’expérience espagnole l’a montré (1), les groupements d’auto-support d’usagers de cannabis représentent une cellule de prévention des risques et de réduction des dommages d’une grande efficacité. La transmission des bonnes pratiques est assurée dans les meilleures conditions et avec plus de crédibilité lorsqu’elle est faite par des pairs.

Au cours de l’année 2016, la coordination C&L – NORML France a organisé des rencontres avec les experts du droit et de la santé, mais aussi avec les usagers, dans le cadre des Asisses des Cannabis Social Club. Ces assises ont permis de croiser les expertises et de mettre au point les fondements sanitaires et les bases juridiques des Cannabis Clubs Français qui sont présentées dans ce dossier.

Les Cannabis Club peuvent s’organiser légalement en France, sous forme d’une expérimentation dans le cadre de la loi sur les Salles de consommation à moindre risque.

La mise en place de Cannabis Clubs associatifs en déposant simplement des statuts en préfecture reste possible sur le principe de la désobéissance civile, qui peut être défendue en justice sur la base de nombreuses dispositions juridiques.

Un espace dédié pour une réduction active des dommages

Levier sur les quantités, la qualité, les modes de consommation, et orientant les usagers problématiques vers des structures de soins adaptés, les clubs offrent la garantie d’un cadre sain pour améliorer la santé des usagers en diminuant les dommages inhérents au produit. Limitant fortement la charge répressive, ces structures offrent également une protection de l’intégrité physique et les droits des usagers.

Les cannabis clubs permettent d’agir directement sur 5 types de risques différents, en encadrant localement les pratiques de production, de distribution et d’usage de chanvre.  Le système des clubs permet en effet d’agir sur :

Les risques liés au terrain (âge, antécédents psychiatriques, environnement social)

Les Cannabis Social Club sont interdits aux personnes mineures et offrent un accès restreint par un système de cooptation. Ces structures constituent le premier maillon d’une alliance thérapeutique pouvant être mise en place avec les professionnels de santé, particulièrement en cas de mésusages et de conduites addictives.

Les risques liés à la nature du produit consommé (pureté et concentration en principes actifs)

Souvent frelaté, adultéré avec des produits de coupe (henné, paraffine, verre pilé, sucre, farine) ou, depuis quelque années, avec des substances psychoactives de synthèse, le chanvre consommé en France est réputé être de composition médiocre et aléatoire. Même lorsqu’il est produit localement à petite échelle pour s’approvisionner en limitant les risques, l’entretien des plantes, la récolte, le séchage ou le stockage peuvent se faire dans de mauvaises conditions, détériorer le produit et entraîner possiblement une toxicité accrue. Pesticides, engrais, résidus parasitaires, botrytis, insectes, tous ces résidus issus de cultures mal maîtrisées sont couramment présent dans le chanvre, et représentent autant de produits impropres à la consommation et dommageables pour la santé des usagers.

Les membres acquièrent leur degré de contrôle sur la qualité du cannabis : ils sont capables de “contrôler l’origine, la qualité et la composition du cannabis qu’ils consomment. (2)

Observatoire Européen des Drogues et Toxicomanies (OEDT)

La connaissance du produit consommé est donc l’une des clefs essentielles de la réduction des risques d’intoxication ou d’infections dues à la présence de produits adultérants ou de parasites, voire à des sous ou sur-dosages non désirés. La maîtrise de la production est une manière de contrôler la nature et la qualité des produits destinés à être consommés. Ces structures s’engagent à respecter des normes de culture biologiques.

La mise en place d’un système de titrage des principes actifs est également rendue possible. Plusieurs outils existent pour permettre une analyse des produits, un listage des différents phyto-cannabinoïdes en présence et leur titrage mais ces examens sont coûteux. Le titrage des cannabinoïdes, et notamment le ratio THC/CBD, permet déjà de présumer des effets. Cependant les variétés et cultivars, la généalogie et la sélection des génotypes sont des éléments déterminants pour adapter au mieux les variétés produites aux effets recherchés par les usagers. L’objectif étant de fournir une information complète sur la substance, ainsi que de diminuer les risques de surprises et mauvaises expériences (bad trip) dus au produit.

Les risques liés au mode de consommation (cadre, fréquence et mode d’administration)

Ces structures assurent la promotion des modes de consommation les moins dommageables et mettent à disposition du matériel (vaporisateurs par exemple) et des outils pour réduire les risques et les dommages, par un système de régulation par les pairs pour un usage du chanvre responsable, avec modération. La sécurisation d’un approvisionnement constant, alliée à une estimation et une anticipation préalable des quantités consommées, permettent une prise en main par l’usager de son rapport à la substance. Cela pour éviter de tomber dans l’alternance de périodes de surconsommation suivies de périodes de pénurie. La normalisation du rapport de l’usager au produit facilite une meilleure maîtrise de son usage et permet aussi de réduire les risques de sur-consommation non maîtrisées.

Les risques liés aux milieux du trafic

De nombreux risques inhérents à la mainmise des trafiquants sur le marché du chanvre n’existent plus du tout en Cannabis Club, comme l’offre d’autres drogues, l’emploi et l’initiation de mineurs par les trafiquants, les violences, les vols, les rançonnements, le recel, les agressions, sans oublier les tentations diverses (appât du gain, fréquentations mafieuses…).

Les risques liés à la pénalisation de l’usage

De nombreux risques sociaux sont prévenus ou réduits par l’organisation de Cannabis Clubs, comme la désociabilisation, la stigmatisation ainsi que le risque pénal pouvant induire pertes d’emploi, dépression ou perte de liens familiaux.

Supervision médicale de l’usage et auto-support

Suivi des consommations

Le médecin attitré à la structure effectue un entretien initial pour chaque membre, puis poursuit ce suivi régulièrement, en fonction des situations et des demandes de chacun. Cela facilite le dépistage précoce des usages problématiques et des diverses conduites à risques, permettant un conseil et une orientation vers les professionnels compétents.

Un usage dédramatisé permettant une meilleure prise en charge sociale et sanitaire, comme les 15 années d’expérience portugaise l’ont montré, les C.S.C. sont aussi un lieu où la rencontre entre l’usager et les équipes sanitaires et sociales est facilitée. La mise en place de séances de thérapies cognitivo-comportementales est alors rendue possible.

Ces structures permettent également de collecter de données primaires pour approfondir les connaissances épidémiologiques sur les modalités et les niveaux d’usage, mais aussi favoriser les rapports de cas et la constitution de cohortes de recherche parmi les usagers médicaux .

Éducation à l’usage à moindre risques

Dans le cadre des C.S.C., il est possible de développer des actions de sensibilisation pour mieux connaître le produit, ses dommages potentiels, les méthodes de réduction des risques et de gestion des bénéfices associés à l’usage. Cela passe par des sessions de formation pour une éducation à un usage responsable et modéré, ainsi que des échanges en groupe ou le relai de campagnes sanitaires. 

Références bibliographiques

(1) Montañes, V. & Oomen, J. (2009). Usos de drogas y participación democrática : un estudio sobre la participación de organizaciones de personas consumidoras de drogas en el diseño de políticas de drogas en el ámbito local y europeo. Anvers, ENCOD & le Ministère de l’Habitat et des Affaires sociales du Gouvernement du Basque espagnol.

(2) European Monitoring Center on Drugs and Drug Addiction (2012). Insights : cannabis production and markets in Europe. Lisbonne, EMCDDA/OEDT. P76