Réguler intégralement les filières cannabicoles, c’est se donner les moyens de construire un système responsable avec l’ensemble des professionnels concernés. Il est possible de mettre en place un cadre de régulation axé prioritairement sur la santé publique, la protection des mineurs, la sécurité, l’emploi, les libertés et la justice sociale.
La prohibition, un système irresponsable
Le système de prohibition est avant tout un système de dérégulation d’un marché qui n’est alors régi que par les seules règles des trafiquants imposant leurs propres lois. Ce commerce est certes risqué, mais à l’échelon international, il peut rapporter énormément, d’autant qu’il n’est pas taxé. S’il y a des profits en perspective, il y aura toujours quelqu’un pour s’emparer de cette manne financière.
Réguler, c’est contrôler le marché, encadrer des pratiques de consommation déjà largement répandues et intégrer socialement 5 millions d’usagers Français actuellement reconnus comme délinquants. Réguler, ce n’est pas rajouter une 3ème drogue sur le marché, en plus de l’alcool et du tabac, ni encourager la population à consommer. A contrario de ces fausses évidences, réguler, c’est transférer un marché présentement aux mains des trafiquants vers l’État pour établir des normes, fixer des règles et responsabiliser producteurs, distributeurs et usagers dans l’objectif de réduire les consommations abusives et les conduites addictives qui en découle.
Réguler, c’est protéger la santé des individus
Le Cannabis Social Club, association à but non lucratif réservée aux usagers de chanvre adultes et parrainés, s’intègre dans cette politique responsable et apparaît être une solution pragmatique, basée sur la réalité du terrain et les pratiques déjà existantes sur notre territoire, auto-financée et facile à mettre en place. C’est avant tout une filière non mercantile qui permet de créer des groupes d’auto-support véhiculant les bonnes pratiques de consommation, comme la vaporisation ou l’usage sans tabac, méthodes préconisées par les addictologues et d’autres professionnels de santé comme le Professeur en pneumologie Bertrand Dautzenberg. Ces clubs, en lien avec les structures addictologiques, permettraient également d’orienter les usagers vers un médecin compétent si nécessaire.
Enfin, ce modèle est également intéressant car il repose sur les principes de l’économie sociale et solidaire et du développement durable avec un circuit court, où la production répond uniquement à la demande. En résumé, c’est un système de micro-régulation responsable et non incitatif, permettant de créer des emplois, assurant une mission d’éducation à l’usage à moindre risques et permettant aux usagers de partager sur les arts et techniques de la culture, de l’extraction et de la dégustation (cercles de chanvrologie).
Cependant, le modèle CSC ne peut répondre à lui seul à l’importance et à la diversité de la demande en fleurs de chanvre et en concentrés, notamment aux besoins médicaux. C’est pourquoi notre vision de la régulation du cannabis est nettement plus élargie : elle articule plusieurs circuits contrôlés distincts de production et de distribution, afin d’offrir un accès sécurisé adapté à chaque type de cas, mais aussi de limiter au maximum le risque de contrebande. Nous pouvons distinguer clairement 3 filières différentes : médicale, associative et commerciale.
- La filière médicale nécessite une production standardisée et titrée en laboratoire agronomique, une prescription médicale, une délivrance en pharmacie, et un remboursement par la sécurité sociale.
- La filière associative représentée par les Cannabis Social Club ou les clubs compassionnel, fonctionne sous forme d’ association loi 1901.
- La filière commerciale: production en coopérative, en serre municipales ou sous licence privée, distribution au détail et usage dans des cannabistrots (avec interdiction de mélanger le chanvre avec du tabac), sous le double contrôle du ministère de la santé et de l’agriculture.
Réguler, c’est encadrer les pratiques par des règles
La régulation des filières va permettre de fixer de nombreuses règles pour les usagers, comme l’illustrent les différents exemples de régulation menées à l’international :
- l’age légal pour avoir le droit de consommer ou de cultiver pour son usage personnel,
- le nombre de plantes que l’on peut cultiver chez soi pour usage personnel
- la quantité maximale de fleurs et de produits concentrés (résine, cire) ou infusés (alimentaire) achetables en une fois,
La régulation des filières cannabicoles va également permettre de fixer de nombreuses règles sociales :
- les normes sanitaires de production
- la réglementation concernant la distribution et la publicité
- l’affichage obligatoire des concentrations en principes actifs
- les normes d’usage et les bonnes pratiques de consommation
- l’encadrement de l’usage médical par les professionnels de santé
Il serait contre-productif d’interdire les produits concentrés car d’une part cela maintiendrait un marché noir, d’autre part l’usage de produits concentrés fait partie des stratégies de réduction des risques. Cette question relève principalement de l’éducation à l’usage: on ne boit pas une bière comme un verre de whisky. De même, une tablette de chocolat infusé qui contient 100 mg de THC, soit 10 doses, ne sera pas consommée comme un bonbon qui contient 5 mg de THC (une demi dose).
Réguler, c’est pas si compliqué :
Ces filières pourraient voir le jour en 3 étapes successives:
- Régulation de la filière cannabicole à visée scientifique ou médicale pour favoriser la recherche et répondre aux attentes de nombreux patients.
- Dépénalisation de l’usage privé des stupéfiants, qui permettra la production de chanvre et de produits dérivés à visée personnelle ou dans un cadre associatif d’auto-support.
- Régulation intégrale de la filière et dépénalisation de l’usage public sous certaines conditions.
Réguler, c’est bénéfique pour tous les citoyens
Réduire les risques sanitaires
- Encadrer et définir des normes sanitaires de production et de distribution
- Contrôler les produits circulants par des analyses sanitaires
- Développer des campagnes d’éducation aux pratiques d’usage à moindre risque
Supprimer les freins à la prévention et aux soins addictologiques
- Lever les tabous et améliorer les perceptions des professionnels et de la population générale sur les drogues et leurs usages
- Favoriser l’instauration d’un discours éducatif familial
- Responsabiliser les citoyens adultes et les parents usagers
Réduire les conduites addictives
- Encadrer les usages chez les adultes et définir des normes d’usage
- Retarder l’âge du primo-usage par l’affirmation d’un interdit crédible
- Réduire les addictions à l’alcool, aux médicaments, aux opiacés et aux stimulants (effet « anticraving » du CBD)
Lutter contre l’insécurité publique
- Recentrer les forces de l’ordre sur des mission prioritaires comme l’atteinte aux biens et à l’intégrité de citoyens
- Lutter contre la corruption des personnes dépositaires de l’autorité publique
- Couper l’herbe sous le pied des cartels pour lutter efficacement contre la criminalité organisée
Créer de l’emploi et de la richesse
- Économiser près d’un milliard d’euros par an gaspillé dans la guerre aux drogues
- Dynamiser le marché du travail avec 100 000 emplois directs et indirects à la clef
- Renflouer les caisses de l’état par la taxation d’un marché estimé selon nos calculs à plus de 10 milliards d’euros/an.
Améliorer la justice sociale
- Favoriser l’accès aux droits et à la santé des usagers
- Lutter contre la discrimination des usagers et la stigmatisation de leurs pratiques
- Développer des politiques d’insertion sociale et de formations professionnelles dans les zones prioritaires (cité sensibles vivant du trafic), y compris dans l’économie du cannabis (serres municipales)
Dynamiser la recherche scientifique
- Favoriser les études épidémiologiques et cliniques sur les substances consommées
- Favoriser la recherche sur le potentiel médical des stupéfiants, et en particulier des phytocannabinoides.