La liberté de s’exprimer sur les drogues 

L’article L3421-4 du Code de la santé publique dispose que la présentation sous un jour favorable de l’usage illicite de stupéfiants est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Conçue pour décourager le prosélytisme du consommateur de drogues, cette incrimination a un spectre d’action qui s’étend bien au-delà de ce simple cas de figure.

C’est en effet l’ensemble des propos, publics et privés, de tout un chacun qui se trouve contraint par cette disposition législative. La loi pénale étant d’interprétation stricte, on peut se demander dans quelle mesure l’article L3421-4 du Code de la santé publique s’oppose à la description objective de tous les effets, y compris hédoniques et thérapeutiques des drogues classées illicites.

Cette disposition entrave la liberté de manifestation et d’expression. 

NORML France, qui a déjà proposé un amendement à l’article 3421-4 en 2015 dans le cadre de la loi santé rappelle le caractère anticonstitutionnel de cette loi. Il est urgent de supprimer de cet article la notion de présentation sous un jour favorable, tout en maintenant l’interdit de prosélytisme. En effet, cette disposition bafoue gravement la liberté d’expression et entrave la liberté de manifestation. Aujourd’hui, un préfet de police peut légalement interdire une manifestation sur la voie publique s’il estime que celle-ci incite à braver l’interdit de l’usage de stupéfiants. Dans un arrêt fameux de la Cour de Cassation du 2 avril 1998, une manifestation du 18 Joint organisée par le CIRC avait été été annulée pour seul motif que les citoyens avaient prévu de vendre des tee-shirts ornés de feuille de cannabis. 

L’interdiction concerne aujourd’hui, par voie de conséquence aussi bien les articles de presse que les discours ou les représentations (images) positives de l’usage de drogue. En vertu de cet article, les médias, dans l’obligation de présenter le cannabis sous un jour défavorable, s’autocensurent constamment sur le sujet pour éviter tout procès. La loi sera même utilisée à de nombreuses reprises, contre toute logique, pour tenter d’entraver le travail des associations bénévoles de réduction des risques liés à l’usage de drogues (procès intenté en 2003 contre Techno+ pour le flyer « Sniffer propre ») ou encore pour asphyxier économiquement un certain type de publication (l’Éléphant Rose, Les Éditions du Lézard, Les éditions Troubles Fêtes,…).

L’effet de l’interdiction aujourd’hui, c’est qu’elle paupérise notre discours, notamment pour les malades.

Cette incrimination oblige au manichéisme et paupérise le discours. Elle nous empêche de défendre sereinement les effets positifs de l’usage du cannabis, dont on reconnaît depuis plus d’un demi-siècle les propriétés antalgiques, anti-inflammatoires, neuro-protectrices et antioxydantes du chanvre (entres autres), dont les divers composants permettent d’améliorer le confort de vie de nombreux patients (cancer, VIH) et de lutter contre les symptômes de nombreuses maladies (glaucome, sclérose en plaque, maladie de Crohn, fibromyalgie, maladie de Parkinson, migraines, épilepsie…)

Ce qui constitue l’entrave principale à cette interdiction de présentation sous un jour favorable tient aussi du paradoxe entretenu par l’Etat, qui a reconnu par un décret de 2013 l’usage médical des cannabinoïdes mais qui interdit dans le même temps la simple insinuation que cette plante pourrait être bénéfique pour les malades. 

Plus d’informations sur l’usage médical du cannabis. 

Cette disposition entrave la liberté de manifestation et d’expression. 

Si cette incrimination fait obstacle à la liberté d’expression et que ce seul principe justifie son abrogation, elle impose une chape idéologique, casse toute velléité de recherche et entretient un tabou sociétal verrouillant tout débat sur les bénéfices éventuels des drogues.

Dans le même temps, il est utile de préciser que de plus en plus d’opiacés sont utilisés dans le traitement des addictions : La méthadone, les sulfates de morphine, les benzodiazépines, la codéine ou le méthylphénidate. Tous ces produits qui présentent des caractères médicaux particulièrement importants méritent aujourd’hui un débat sans tabous et sans préjugés. 

Force est de reconnaître aujourd’hui que ce débat ne peut avoir lieu, alors même que la loi autorise donc certains stupéfiants. 

In fine, l’interdiction de présentation sous un jour favorable constitue un obstacle indéniable à la prévention et l’information des personnes consommatrices, au bon exercice de la fonction des agents du secteur médico-social, en sus de représenter une anomalie législative en termes de liberté d’expression intolérable dans un État de droit du XXIème siècle.

Notre proposition : élargir la loi Evin au cannabis (et à toutes les drogues) !

Nous proposons que cet article soit abrogé pour être remplacé, à l’occasion de la nouvelle loi pénale instituant l’amende forfaitaire, par les dispositions en vigueur relatives à la propagande ou publicité pour le tabac, du Titre Ier de la loi Évin (nº91-32 du 10/01/1991).

Par conséquent, nous ne sommes pas contre la limitation de la liberté d’expression sur ce sujet, si elle est justifiée et fondée. Ainsi, notre proposition confirme la présence du maillet de juge. La publicité dans la presse pour la jeunesse et la diffusion de messages publicitaires à la radio seraient particulièrement encadrés dans le cadre de spots publicitaires dans le cadre d’une légalisation. 

Les documents d’information distribués aux mineurs seraient tout aussi encadrés qu’ils ne le sont aujourd’hui. 

Mais cette nouvelle loi nous permettrait d’une part de disposer de tous nos outils argumentatifs dans le débat, elle nous autoriserait à développer la réduction des risques et la prévention en matière de drogues, et plus précisément en matière de cannabis sans que nous n’ayons à craindre de poursuites judiciaires.  

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