Prise en charge des usagers

Médecins et pros de santé, sachez dépister l’usage de cannabis chez vos patients

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Pour les médecins généralistes

Dépister l’usage

Pourquoi dépister systématiquement l’usage de cannabis parmi vos patients?

  • La France compte 5 millions d’usagers dont plus de 700 000 usagers quotidiens.
  • Près d’un usager quotidien sur deux l’utilise à des fins médicales.
  • La grande majorité des usagers sont des adultes qui ont usage discret.
  • Les risques somatiques, psychologiques et sociaux de l’usage de cannabis sont bien cernés.
  • De nombreux usagers méconnaissent les pratiques pour réduire les risques.
  • Les usagers abordent rarement la question spontanément.
  • Le médecin est un acteur de santé avec une place privilégiée dans la proximité et la durée.
  • Le dépistage de ces consommations ne relève pas du spécialiste.

Comment dépister l’usage de chanvre ?

  • Saisir toute occasion, tout en restant en position médicale.
  • Questionner la consommation de cannabis de manière indirecte pour diminuer les réticences.
  • Questionner le point de vue du patient sur le cannabis.
  • Rappeler le caractère confidentiel de la consultation malgré l’illégalité de l’usage.
  • Interroger sur les autres consommations dans le même temps (alcool, tabac, médicaments…).
  • Y penser systématiquement  pour les nouveaux patients, les femmes enceintes, les adolescents et les jeunes adultes périodiquement (au moins une fois par an). 
  • Exprimer au patient qui ne désire pas aborder cette question, qu’il pourra le faire lorsqu’il le souhaitera.
  • Ne pas faire d’analyse urinaire de toxiques sans l’accord du patient.

Évaluer le type d’usage 

Définir le type et la fonction de la consommation pour adapter la prise en charge. 

  • Ne pas hésiter à conduire cette évaluation sur plusieurs consultations.
  • Interroger sur le rôle de l’usage, les circonstances et la fréquence d’usage.
  • Laisser une liberté de parole pour permettre une expression sur les effets positifs de sa consommation.
  • En cas d’usage quotidien, interroger sur la forme du produit, le mode de d’administration et les doses consommées.
  • En cas d’usage médical, questionner sur l’efficacité et la tolérance de cette automédication.

Les questionnaires validés:

Utiliser des outils standardisés permet d’introduire une objectivité dans la relation médecin patient. La démarche est moins impliquante pour le patient et le médecin, et constitue un excellent support à la discussion ultérieure et à la prise en charge.

  • CAST, validé par l’OFDT, permet de repérer les différents aspects de l’usage nocif de cannabis.
  • ADOSPA, (Adolescents et Substances Psycho Actives) est intéressant car il évalue l’usage  de toutes les substances psycho-actives (alcool, cannabis, drogues illicites ou médicaments) 
  • Évaluer le niveau de dépendance éventuelle : faible (2 à 3 critères), modérée (4 à 5) , forte (6 à 8 critères) ou très forte, selon les 11 critères du DSM 5

Savoir repérer les populations à risques  :

Le risque d’addiction est doublé parmi les 3 population suivantes :

  • Les usagers réguliers de moins de 20 ans : risques cognitifs et de troubles de l’adaptation
  • Les usagers quotidiens > 1gr/j en combustion depuis plusieurs années: risques sanitaires (respiratoires et cardiovasculaires)
  • Les usagers quotidiens vulnérables sur le plan psychologique ou social : risque de décompensation psychosociale

Savoir repérer les facteurs de protection du mésusage

Les modalités de consommation à moindre risque:
  • Consommation modérée (non quotidienne et 3 fois dans une même journée au maximum).
  • Mode d’administration à moindre risque (vaporisation, ingestion).
  • Non cumul avec le tabac ou d’autres produits.
  • Usage partagé le plus souvent.
  • Usage en fin de journée le plus souvent.
  • Primo-usage après 20 ans
Le contexte psychique :
  • Equilibre psychologique.
  • Bon contact relationnel.
  • Juste estime de soi.
  • Capacité à demander de l’aide.
Le contexte social :
  • Bon apprentissage scolaire. 
  • Bonne insertion sociale et/ou professionnelle.
  • Absence de problèmes judiciaires.
  • Discussion familiale possible sur le sujet.

Conduite à tenir :

En cas d’usage médical :

  • Conseiller les pratiques d’usage à moindre risque : vaporisation et ingestion (titration progressive).
  • Mettre en place un suivi régulier et consigner dans le dossier l’efficacité et la tolérance en fonction des produits et des doses consommées.
  • Adresser à un spécialiste pour avis et attestation éventuelle des bénéfices sanitaires apportés par l’usage de chanvre.

En cas d’usage « adulte » :

Rappeler les risques et les méthodes pour les réduire: la majorité des usagers adultes ont un usage non problématique du chanvre, ce qui ne signifie pas sans risques.

  • Rappeler les risques judiciaires encourus  (1 an de prison et 3750 €). Le risque judiciaire concerne tous les usagers, mais prédomine chez les jeunes, plus volontiers contrôlés.
  • Délivrer des conseils de modération de l’usage : usage non quotidien avec au maximum 3 usages par jour.
  • Dispenser des conseils d’usage à moindre risque: vaporisation, usage sans tabac…
  • Recommander l’abstinence en cas de grossesse
  • Rappel des risques situationnels liés à la conduite de véhicule. Ce risque concerne surtout les usagers occasionnels.

Si la consommation est non problématique, proposer un arrêt-test « juste pour voir si c’est possible ou si c’est facile », et faire revenir pour en rediscuter dans un délai précis. 

En cas de trouble de l’usage 

Le trouble de l’usage est défini comme un mode de consommation d’une substance psychoactive provoquant directement des conséquences dommageables au plan physique, psychologique, social ou judiciaire, pour l’usager et son environnement. Ce trouble s’accompagne d’une dépendance de degré variable. 

Adapter la stratégie et le mode de communication aux objectifs du patient
  • Déterminer les attentes du patient et proposer un suivi adapté à ces attentes
  • Placer le patient au centre de la démarche d’un possible changement
  • Suggérer des pistes d’actions mais ne jamais les imposer

La modification d’un comportement dans le domaine de la santé est un processus long qui se décompose en plusieurs étapes: la personne n’envisage pas de changer son comportement (pré-intention), elle décide d’essayer dans un avenir proche (intention), elle se prépare au changement en se renseignant et en demandant conseil (préparation), elle change ses habitudes de consommation de cannabis (action) et s’y maintient (Prochaska et Di Clemente).

Créer un climat de confiance pour établir une relation d’alliance thérapeutique:
  • Préciser et tenir le cadre médical et confidentiel de la consultation
  • Faire preuve d’une attitude emphatique, attentive et bienveillante en explorant la situation et le vécu du patient
  • Faciliter l’expression des représentations, des ressources et ses vulnérabilités du patient.
  • Favoriser une démarche active du patient (co-construction d’objectifs et de prise en charges adaptés).

Le dialogue non jugeant à partir des bénéfices déjoue la représentation du « médecin-qui-interdit » et permet un échange sur la consommation en diminuant les résistances du patient.

Proposer un accompagnement dans la durée
  • Rappeler l’absence de caractère d’urgence de la prise en charge
  • Poser le cadre d’un suivi régulier avec des rendez-vous spécifiques .
  • Déterminer avec le patient des objectifs simples et réalistes
  • Segmenter la prise en charge dans une succession de changements accessibles

L’atteinte d’objectifs successifs simples et accessibles renforce le sentiment d’efficacité personnelle et l’annonce d’un suivi dans la durée favorise un processus d’engagement vers le changement. Le médecin s’assure que chaque objectif est consolidé avant de passer au suivant. L’arrêt immédiat de certaines consommations problématiques n’est pas toujours souhaitable car il peut déstabiliser un équilibre précaire (systémie familiale)  ou une vulnérabilité inapparente (usage autothérapeutique). 

Amener à une prise de conscience des conséquences de l’usage 
  • Centrer le suivi sur la fonction prise par la consommation
  • Aider à repérer les limites des effets positifs et les aspects indésirables de l’usage 
  • Aider à la prise de conscience du du rôle et des fonctions tenues par l’usage
  • Aider à la prise de conscience du niveau de contrôle de l’usage. 

La compréhension de la fonction que le cannabis occupe dans sa vie est un levier puissant vers le changement. La connaissance des éléments ressentis comme positifs par le consommateur est primordiale pour le médecin, permettant dans un second temps, de proposer des stratégies alternatives pour faire face autrement. Les principaux bénéfices identifiés peuvent être hédoniques (plaisir), autothérapeutiques (soulagement des tensions internes) ou identitaires (appartenance à un groupe).

Accompagner vers le changement:
  • S’appuyer sur l’autoévaluation du patient
  • Évoquer les ressources utilisées par le patient face aux difficultés ou aux contrariétés rencontrées. 
  • Terminer la consultation sur un point de réflexion à développer ou une tâche précise à faire qui permettra de redémarrer la consultation suivante.
  • Suivre dans la durée en s’appuyant sur des outils et des correspondants spécialisés si possible organisés en réseau. 

L’efficacité de l’intervention repose sur la qualité de l’évaluation globale et l’adaptation des propositions. 

Les techniques d’aide au changement

Les interventions qui permettent des changements de comportement sont maintenant mieux codifiées: intervention précoce,  thérapies cognitivo-comportementales, hypnose, mais aussi de techniques simples réalisables en consultation de médecine générale ; les conseils brefs ou les entretiens motivationnels ont les preuves de leur efficacité.

L’entretien motivationel cherche à renforcer la confiance du patient, son sentiment d’efficacité personnelle, ainsi que sa motivation au changement. 

  • Travailler les balances décisionnelles
  • Pointer les contradictions dans le discours du patient
  • Formuler des questions ouvertes
  • Baisser l’intonation à la fin des questions
Proposer un suivi spécialisé en Addictologie :

Un suivi spécialisé est indiqué lorsque les problématiques individuelles dépassent les compétences du médecin (troubles psychiatriques ou sociaux). Le travail en réseau permet d’autre part de trouver des voies nouvelles de résolution lorsque le médecin s’essouffle dans le suivi. Les contacts avec des personnes ressources, soit individuellement, soit dans le cadre d’un réseau, enrichissent la qualité et les possibilités des prises en charges. Des suivis conjoints dans le cadre d’un réseau permettent aux jeunes consommateurs de faire l’expérience d’une cohérence de réponse du monde des adultes.

Les médecins addictologues travaillent géneralement au sein de microstructures ou d’un Centre de Soins et d’Accompagnement Personnalisé en Addictologie, éventuellement dans le cadre des Consultations Jeunes Consommateurs (moins de 25 ans). Ces structures sont des centres médico-sociaux, gérés par des établissements publics de santé (hôpitaux) ou par des associations régies par la loi du 1er Juillet 1901, sous condition de l’obtention d’un conventionnement du ministère de la santé. Y sont accueillies les personnes qui sont dans une relation de dépendance plus ou moins forte et néfaste à l’égard des drogues, de l’alcool, des médicaments ou d’une pratique (jeux, sexualité, anorexie/boulimie…).

 Les principaux écueils à éviter :

  • Ne pas aborder le sujet au moins une fois avec chaque patient.
  • Se centrer exclusivement sur le produit.
  • Dramatiser ou banaliser la situation.
  • Fixer des objectifs irréalistes.
  • Ne pas respecter la volonté du patient.
  • Culpabiliser le patient dans une attitude jugeante.
  • Omettre de dispenser de conseils de réduction des risques.
  • Recourir à des prescriptions médicamenteuses inutiles.
  • Rompre la confidentialité.
  • Sortir de son rôle de médecin.

Auteur : Olivier Bertrand

Sources:cannabis-medecins.fr

 

Pour les structures addictologiques

Ouvrir un espace pour promouvoir la Réduction Des Risques Cannabis

Au sein d’un espace dédié dans un CAARRUD ou une SCMR, il s’agit simplement de mettre à disposition des usagers de chanvre du matériel et des outils de réduction des risques spécifiquement liés à l’usage de cannabis. Il peut s’agir par exemple de vaporisateurs, de substituts de tabac ou de brochures RDR cannabis.

Ouvrir un Cannabis club pour développer la RDR Cannabis active

Le Cannabis Club est un outil performant pour réduire les dommages liés à l’usage de chanvre. Les Cannabis clubs s’inscrivent dans le cadre des réglementations relatives au cannabis au niveau national et international. 

Il peut prendre la forme d’un dispositif expérimental au sein duquel une équipe d’intervenants des secteurs médico-sociaux supervisent, en association avec des usagers de cannabis, la production en cercle fermé et sans but lucratif d’une quantité limitée de cannabis, en stricte adéquation avec la consommation de ces derniers. Ces structures offrent la possibilité d’un suivi médico-social et d’une supervision de l’usage, qu’il soit médical ou adulte, en mettant en avant les méthodes de consommation les plus saines et les comportements les moins risqués.

Modus Opérandi :

Véritable structure de médiation médico-sociale, le Cannabis Club est un espace où vont venir se concentrer les actions de prévention, d’éducation à un usage modéré, sain et responsable à destination des fumeurs de cannabis. Le projet peut aussi bien émaner d’une municipalité que d’un CSAPA, d’un CAARUD ou encore d’un groupement d’usagers…

Le montage de la structure peut prendre différentes formes et nécessitent au minimum:

  • Un CAARUD volontaire, offrant le cadre d’un espace de consommation à moindre risque pour usagers de cannabis.
  • Une association de consommateurs de cannabis usagers de la structure, pour recueillir les cotisations servant à couvrir les frais de productions éventuels.
  • Un autorisation officielle de production de chanvre émanant du directeur de l’Agence Nationale de la Santé et du médicament.
  1. Hypothèse n°1 : un médecin de CSAPA fait la demande d’une dérogation pour la production.
  2. Hypothèse n°2 : un pharmacien d’officine inscrit à l’ordre, offre le cadre d’une dérogation pour la production.
  3. Hypothèse n°3 : une dérogation est accordée directement  par le directeur de l’ANSM.

La collaboration de l’agence régionale de Santé et d’une municipalité, pour assurer une cohérence dans la réponse des pouvoirs publics locaux.

Cahier des charges

Le cahier des charges pour les Salles de consommation à moindre risque qu’éditera le Ministère de la Santé sera la base sur laquelle viendront se greffer des dispositions d’un cahier des charges complémentaire,  dont le contenu précis reste à compléter. Celui-ci devrait être composé des grandes lignes suivantes :

Actions déployées de RDR
  • Interdiction de la consommation d’alcool ;
  • Incitation à la réduction, la substitution ou l’arrêt du tabac ;
  • Mise a disposition de matériel de vaporisation ;
  • Campagnes internes de prévention et éducation à l’usage ;
  • Formations en RDR des usagers.
Forme juridique et administration
  • Convention de partenariat opérationnel entre structures de santé et association d’usagers ;
  • Administration des cultures, des membres, et de la distribution — transparence ;
  • Répartition des tâches.
Production
  • Sélection des graines ;
  • Méthodes de culture, substrats et nutriments utilisés ;
  • Récolte, séchage ;
  • Analyses et titrage.
Installations et locaux
  • Électricité ;
  • Aération, ventilation ;
  • Accessibilité PMR.
Sécurité
  • Assurance ;
  • Dispositifs de sécurité ;
  • Transport.
Relations extérieures : autorités locales et voisinage
  • Accords forces de l’ordre locales ;
  • Relations voisinage.

Auteur: Kenzi Riboulet