Legislation Française

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Les premiers textes de loi

  • 1682 : édit du 31 aout qui vise à prévenir les empoisonnements à l’arsenic.
  • 1845 : loi du 19 juillet réprimant le détournement de l’usage pharmaceutique à des fins criminelles des substances vénéneuses (72 produits parmi lesquels l’opium, la morphine, la cocaïne).

Les premiers actes interventionnistes du régime républicain

  • 1908 : décret du 11 octobre amendant la loi du 19 juillet 1845 réprimant la détention et la facilitation d’usage des opiacés. La France devient l’un des principaux pôles du commerce international en stupéfiants, de part ses comptoirs coloniaux, dans le même temps en métropole apparaissent les premières fumeries d’opium
  • 1916 : la condamnation de l’usage de substances vénéneuses à des fins récréatives est introduite par la loi du 12 juillet 1916 adoptée à l’unanimité par le Parlement français. Pour la première fois, cette loi vise le cannabis en plus de l’opium et de la cocaine et crée le délit « d’usage en société » et de « production d’ordonnances fictives »
  • 1922 : la loi du 13 juillet relatif à la famille renforce l’arsenal législatif et réglementaire 
  • 1939 : la loi-décret du 29 juillet relatif à la famille fait de la législation française anti-drogue l’une des plus sévères de l’époque en Europe
  • 1953 : cette année marque à la fois le retrait du chanvre de la pharmacopée française jugé inutile sur le plan médical sous la pression de l’ONU, mais aussi l’intégration pour la première fois d’un volet sanitaire dans la législation anti-drogue sous la pression du monde médical et de l’OMS. La loi du 24 décembre 1953 considère l’usager de drogue comme un malade et le trafiquant comme un délinquant professionnel qu’il faut sanctionner extrêmement sévèrement. 

La loi actuellement en vigueur

Loi de 1970Jusqu’à la fin des années soixante, l’opinion publique ne s’intéresse quasiment pas au sujet du cannabis. C’est pourtant à cette période que de nouvelles tendances se dessinent quant à l’usage de drogues. Les révoltes de mai 68, mouvements de contestation culturelle érigés contre l’ordre établi, se voient associés à l’usage de drogue.

Parallèlement, les français découvrent que le pays a servi de plaque tournante dans de vastes opérations de trafic (époque de la French Connection) et une vague de décès par overdose d’héroïne chez de jeunes sujets déferle dans les médias et secoue le pays. Ces faits contribuent à ce que l’usage de drogues soit perçu comme un danger social et appelle le législateur à répondre fermement et rapidement à cette « nouvelle menace » dans un contexte politique de retour à l’ordre et à la sécurité, marquant la fin de la génération Hippie.

La loi du 31 décembre 1970 constitue le socle de la politique française en matière de drogue. Cette loi instaure une série de mesures avec un double volet sanitaire et répressif. Elle est considérée comme l’une des plus répressives d’Europe. 

  • Elle exclut alcool, tabac et médicaments, drogues les plus dommageables pour la santé publique
  • Elle amalgame les produits (cannabis et héroïne) et les usages (occasionnel, régulier, privé, public)
  • Elle ne comporte pas de disposition spécifique en matière de prévention pour laquelle tout un chacun, de l’État au simple citoyen, peut faire oeuvre de prévention, entrainant une politique de prévention hétérogène, éclatée et sans cohérence
  • Elle prévoit la gratuité et l’anonymat des soins dans le cadre d’une prise en charge sanitaire et sociale conventionnée par l’État
  • Elle introduit les obligations de soins médicaux
  • Elle réprime sévèrement toutes les infractions à la législation des stupéfiants, de la simple consommation à la production, en passant par le délit de présentation sous un jour favorable.

Extrait du Rapport Henrion :

Votée dans une période très marquée par les mouvements étudiants dont certaines drogues avaient été l’emblème, surtout aux États-Unis, la loi du 31 décembre 1970 était, dans l’esprit du législateur, une pièce maîtresse dans l’effort d’endiguement qu’appelait une vague de contestation portée par ce que certains ont appelé « la dissolution » des mœurs.
France cannabis et dépénalisation

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Le texte de loi était censé être le fruit d’un compromis entre le ministère de la justice, favorable à la répression de l’usage, et le ministère de la Santé, demandant une surveillance sanitaire systématique. Cependant le texte adopté finalement, en laissant l’obligation de soins à l’appréciation du magistrat, ne poursuivra pas cet objectif de santé publique, misant tout sur le côté répressif ; et de fait très peu d’usagers seront signalés à l’autorité sanitaire.

La loi de 1970 considère l’usager de drogues  à la fois comme un malade qu’il convient de soigner et un délinquant qu’il y a lieu de punir. Délinquant puisqu’elle incrimine spécifiquement l’usage et prévoit une peine d’emprisonnement ferme. Malade puisqu’elle prévoit une exemption de poursuites pénales pour les usagers « simples » qui acceptent de se soumettre à une cure de désintoxication. En rupture avec les lois antérieures, la loi de 1970 vise les personnes plus que les produits. Elle confirme un principe d’abstinence à laquelle les « toxicomanes » doivent être contraints, au besoin par le biais de l’injonction thérapeutique exigeant des médecins qu’ils agissent contre la volonté d’individus. 

Cependant, il est à noter que le simple consommateur est souvent assimilé à un trafiquant et donc se trouve passible des mêmes peines. En effet, consommer du cannabis implique nécessairement d’en détenir, et donc d’en acheter ou bien d’en produire, ce qui laisse toute liberté au juge d’incriminer l’usager sur le fondement du Code de la santé publique (usage) ou du Code pénal (détention/trafic/production). 

Le renforcement de l’arsenal juridique

Photo Justice

La loi de 1970 souvent modifiée en allant vers toujours plus de répression

À partir de 1985, le trafic de drogue devenant un véritable enjeu international, la loi de 1970 sera régulièrement modifiée en allant toujours dans le sens d’une augmentation de la répression, soit en facilitant les poursuites de certaines infractions, soit en élargissant les incriminations, soit en renforçant les incriminations applicables : lois du 17 janvier 1986, 31 décembre 1987, 16 décembre 1992 (en vigueur le 1er mars 1994), 13 mai 1996, 23 janvier 2003 (Loi Marilou), 9 mars 2004 (Loi Perben 2), 5 mars 2007 (loi Dati). On peut souligner des peines plus élevées sur les stupéfiants que pour d’autres infractions comparables et l’alignement de la procédure relative au trafic de stupéfiants en bande organisée sur celle relative au terrorisme.

Si la répression contre le trafic de stupéfiants a toujours été très ferme et particulièrement appliquée, la conduite pratique à tenir dans les tribunaux par rapport à la pénalisation de l’usage privé a fait l’objet de nombreuses circulaires ministérielles parfois contradictoires, ouvrant quelques périodes plus clémentes pour les usagers de cannabis (1984-1986, circulaire Badinter ou 1999-2001, circulaire Guigou). Compte tenu des multiples hésitations des gouvernements, il en résulte une mise en oeuvre chaotique et hétérogène, finalement abandonnée à la libre appréciation des acteurs répressifs. 

Depuis 1970, le nombre d’interpellations pour I.L.S. a augmenté par paliers jusqu‘en 1990 puis quasi constamment jusqu’en 2010. Depuis cette date, les chiffres ne sont plus communiqués à l’OFDT mais il atteint probablement 200 000 interpellations par an. Ces infractions concernent dans près de 80 % des cas une infraction pour usage et détention de chanvre et la répression est donc davantage axée sur le cannabis que sur les autres produits, surtout davantage axée sur les usagers que sur les trafiquants (73 % contre 27 % en 2010).

Interpellations pour infraction à la législation sur les stupéfiants en France de 1970 à 2010 :

Les interpellations sont détaillées selon 3 catégories : usage, usage-revente et trafic.

Repression de l'usage

Cliquez pour voir en grand.

Le renforcement du dispositif sanitaire

Le dispositif sanitaire afférent à la loi de 1970 reste relativement sclérosé jusqu’en 1990 et la prise en charge addictologique est bien séparée des autres structures. La décennie suivante, marquée par des évolutions importantes pour la santé des usagers injecteurs, fait émerger la notion de réduction des risques liée à l’usage de drogue, en pleine épidémie de VIH/sida (vente libre des seringues, mise en place des produits de substitution). Parallèlement, les premières statistiques fiables sur les niveaux d’usage des substances addictives, mises au point par l’OFDT, mettent en évidence des prévalences fortes parmi l’ensemble de la population, suggérant une société de plus en plus addictogène.

C’est dans ce contexte que sont nées dont les bases légales de la réduction des risques dans l’article 12 de la loi de santé publique du 9 aout 2004. Dès lors, l’offre de soins s’est structurée et diversifiée (Consultations Jeunes Consommateurs CJC, Centre d’Accueil et d’Accompagnement à la Réduction des Risques pour les Usagers de Drogues, CAARRUD, Centre de Soins et d’Accompagnement Personnalisé en Addictologie, CSAPA…). Le concept d’addiction se redessine actuellement de manière plus rationnel et pragmatique : l’addictologie considère désormais l’ensemble des produits addictifs sans distinction par rapport au statut légal du produit (alcool, tabac, médicaments inclus) et elle s’affranchit progressivement du dogme de l’abstinence comme unique objectif de soins, considérant que l’usage d’une drogue puisse être non problématique dans certaines conditions. Jusqu’en 2016, le champ de la réduction des risques était cependant limité aux usagers injecteurs et il a fallu attendre la loi de modernisation du système de santé du 26 janvier 2016 pour que soit reconnue la réduction des risques pour tous les usagers, en particuliers, les 5 millions de citoyens consommateurs de chanvre.

L’application des peines

Contrairement à l’opinion courante selon laquelle la loi du 31 décembre 1970 serait de moins en moins appliquée, l’analyse des statistiques policières et judiciaires montre que la pénalisation de l’usage de stupéfiants est de plus en plus systématique en France grâce à la diversification de la réponse pénale. Cette systématisation de la réponse pénale est d’ailleurs la règle à suivre impérativement par les autorités depuis la circulaire du 16 février 2012.

Au vu de son absence d’efficacité et de la difficulté d’application de cette loi qui amalgame tous les usages et tous les produits et pénalise désormais le comportement d’au moins 5 millions de français, les sanctions sont très variables pour la même infraction et le même profil d’individu, selon les habitudes de chaque juridiction. L’opportunité des poursuites pénales appartient au procureur et l’appréciation de la peine au juge, la sanction est donc livrée au bon vouloir de deux magistrats. Cette situation tend à developper une justice particulièrement arbitraire, favorable à l’expression de courants idéologiques divers et menaçant le principe d’égalité de traitement entre les citoyens.

Directives MILDECA 2013-2017 concernant le chanvre

Logo Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictivesLa Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), est un organisme français qui coordonne les actions de l’État en matière de lutte contre les drogues et les toxicomanies, en particulier dans les domaines de l’observation et de la prévention de la toxicomanie, de l’accueil, des soins et de la réinsertion des toxicomanes, de la formation des personnes intervenant dans la lutte contre la drogue et la toxicomanie, de la recherche, de l’information, et de la lutte contre le trafic.

Voici donc les seules directives émises par la MILDECA concernant le cannabis pour la période 2013-1017 : 

Intensifier la lutte contre la cannabiculture. Au niveau européen, les saisies de plants de cannabis ont sensiblement augmenté au cours de la période récente, totalisant 4,6 millions d’unités en 2011 contre 3,1 millions en 2010. L’extension de la culture du cannabis indoor n’épargne désormais plus la France .

  • En diffusant largement les données rassemblées par les pouvoirs publics sur ce phénomène émergent afin de couper court aux idées reçues sur les vertus «bio» du cannabis issu de ces cultures, et de rappeler le caractère illégal de cette activité ainsi que les dangers qu’elle présente pour la santé.
  • En contrebalançant l’image communément répandue du caractère artisanal et convivial de la cannabiculture par l’information du public sur l’existence de véritables «usines à cannabis», aux mains de groupes criminels transnationaux, dont certaines ont récemment été démantelées sur le territoire national.
  • En exerçant une surveillance particulière sur les canaux d’accès à la cannabiculture (magasins spécialisés, sites Internet, fret postal et express).
  • En dotant les services d’investigation de moyens de détection innovants, et en s’inspirant de l’expérience des pays qui détiennent une expertise reconnue en la matière.

Suite aux recommandations de cet organe officiel qui négligent totalement toute approche sanitaire, nous ne pouvons que vous laisser seul juge face à l’ineptie de notre législation sur les stupéfiants qui n’encadre pas du tout la consommation de masse actuelle et néglige l’inscription culturelle du chanvre dans notre société.  

 

Sources :
  • Costes  J.M. De la guerre à la drogue à la prévention des addictions : à quand l’ouverture de l’impossible débat ? Boeck Supér. 2013 Jan ; 19:9–26
  • Ben Lakhdar C. Évaluation économique de la loi du 31 décembre 1970 réprimant l’usage et le trafic de stupéfiants. Boeck Supér Psychotr. 2013 Jan;19:27–48
  • Ministère de l’Intérieur, OCRTIS 2009, 1985-2009
  • Mission Interministérielle de Lutte contre les Drogues Et les Conduites Addictives, plan quinquennal 2013- 2017
  • Lire aussi : Caballero F. Legalize it, éditions l’Esprit Frappeur, 1989, réédité.