Novembre 2015 Notre analyse de la Loi Santé |
Agenda législatif • ANALYSE DE LA LOI. La discussion d’une énorme loi de Santé publique dite loi de modernisation du système de santé dans les deux chambres parlementaires entre octobre 2014 et novembre 2015 a constitué une opportunité unique de mise-à-jour d’une partie des politiques publiques françaises relatives aux stupéfiants. Cette loi vient renforcer le dispositif sanitaire et répressif de la loi votée le 31 décembre 1970 par le gouvernement Chaban-Delmas — qui punit la détention, l’usage, le transport, la cession et la vente, la production et la transformation de tout ou partie du Cannabis sativa L. (à l’exception de rares cultivars aux propriétés psychotropes quasi-nulles). Présenté le 15 octobre 2014 par la ministre de la santé Marisol Touraine, le projet de loi prévoyait dès le début de très nombreux dispositifs, dont celui des Salles de Consommation à Moindre Risques (SCMR), pour les usagers de drogues : une mesure principalement destinée aux usagers de drogues injectables, et qui représente une avancée réelle pour la situation sanitaire de ces personnes. Dans le projet initial du gouvernement, il n’y avait pas une ligne concernant le chanvre et ses usagers (au moins de 4 millions de personnes, selon l’OFDT), mais les aller-retours parlementaires (voir le détail plus bas) ont bien sûr été à de nombreuses reprises l’occasion d’échanges et de propositions sur le thème cannabis. Dès le 29 octobre, nous adressions une lettre ouverte à Mme Marisol Touraine, pointant les défaillances du projet de loi, et suggérant quelques améliorations aux politiques de Santé publique, en particulier sur les questions de prévention des risques et réduction des dommages liés à l’usage de chanvre. Nous n’avons pas cessé de communiquer sur ce projet de Loi, en particulier avec cette communication publique en tout début d’année 2015.. Le 20 novembre 2014, les députés Anne-Yvonne Le Dain (PS) et Laurent Marcangelli (UMP) présentaient un rapport d’évaluation des politiques publiques relatives aux stupéfiants, commandé par la commission des affaires sociales et de la santé de l’Assemblée Nationale, venant confirmer de nombreuses critiques opposées au système en vigueur actuellement. On notait en particulier le coût exorbitant de la réponse pénale, au détriment de la prévention, sous-considérée dans les budgets alloués.. On le voit, le projet de loi a créé l’occasion d’un débat nourri et a représenté, pour nous comme pour tous les acteurs de la société civile, une formidable occasion de proposer des mises à jour de ces textes obsolètes, dommageables et inefficaces. Des contacts ont été établis avec des parlementaires se réclamant de vouloir ouvrir le débat, pour les inciter à faire en sorte que cette loi s’engage dans la voie de politiques des drogues plus justes, progressistes, sociales, solidaires et protectrices de la santé publique. Souvent, malheureusement, sans succès. Cela est notamment passé, à plusieurs reprises, par la suggestion d’amendements à porter à l’occasion des différentes lectures du texte :
Retour sur le calendrier législatif de ce projet de loi :
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Octobre 2015 La généralisation des tests de dépistageProposition d’amendement liberté de conduire |
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4 janvier 2015 Proposition d’amendements liberté de s’exprimer et SCMR cannabis |
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Action citoyenne #ReprésentezNous |
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20 novembre 2014 Rapport d’évaluation des politiques publiques de lutte contre les drogues |
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29 octobre 2014 Lettre ouverte à Mme Marisol Touraine |
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15 octobre 2015 Dossier législatif complet du Projet de Loi Santé |
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NOTRE ANALYSE DE LA LOI |
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Un point inquiétant :Le renforcement des sanctions au volant. |
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L’article 9 ter, inséré par les sénateurs, avec avis favorable du gouvernement, fait discrètement un peu plus reculer les limites de l’État de Droit, pourtant déjà floues depuis longtemps en matière de stupéfiants, et chancelantes en cette période d’État d’urgence prolongé. Cet article vise en effet à supprimer le recours à des analyses sanguines pour confirmer le résultat des tests salivaires que subissent les conducteurs au volant, en y substituant le recours à un second prélèvement buccal ; en cela, il simplifie et accélère la procédure de condamnation des personnes ayant fait usage de stupéfiants avant de prendre le volant, sans qu’il n’y ait de seuil fixé scientifiquement et sans qu’ait été prouvée la dangerosité de la conduite lorsqu’elle est éloignée de la prise du produit.
L’article risque bel et bien d’être adopté, sachant qu’aucun amendement de retrait n’a été déposé. Nous avons fait tout notre possible pour que des députés reprennent notre suggestion d’amendement visant la suppression de cet article 9ter, afin d’amener le débat en séance publique. Pour l’instant, cette disposition est passée complètement inaperçue des députés, qui semblent ignorer les conséquences en cascade potentiellement désastreuses pour des millions d’usager-e-s de cannabis détenteurs d’un permis de conduire. L’exposé des motifs de notre proposition d’amendement explique bien, avec références bibliographiques à l’appui, l’inanité de ce genre de mesures. . |
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Les points positifs :RDR & SCMR |
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Sans le dire, ce projet de Loi de Santé véhiculait un véritable renouveau des « lignes directrices » des politiques publiques en matière de drogues, qui se montre positif et moins désavantageux pour les usager-e-s de cannabis qu’auparavant. Ainsi : Les articles 8 et 8 bis.==> Voir le texte de référence sur le site de l’Assemblée Nationale L’article 8 redéfinit le champ et les bases de l’action publique en matière de prévention des dommages et de réduction des risques, selon nous la meilleure approche pour qui veut faire diminuer les problèmes de santé publiques liés au cannabis, et cantonner l’usage. Depuis 2004, la loi prévoyait ceci : « La définition de la politique de réduction des risques en direction des usagers de drogue relève de l’État […] La politique de réduction des risques en direction des usagers de drogue vise à prévenir la transmission des infections, la mortalité par surdose par injection de drogue intraveineuse et les dommages sociaux et psychologiques liés à la toxicomanie par des substances classées comme stupéfiants. » Aujourd’hui, la nouvelle loi de santé précise, ajuste et élargit la définition de ces politiques, qui devient la suivante : « la politique de réduction des risques et des dommages en direction des usagers de drogue vise à prévenir les dommages sanitaires, psychologiques et sociaux, la transmission des infections et la mortalité par surdose liés à la consommation de substances psychoactives ou classées comme stupéfiants » et prévoit comme modalités de mise en œuvre :
L’article 8 bis appuie ce dernier, en inscrivant les CSAPA (Centre de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie) dans la lignée de ces politiques de prévention et de réduction des risques et dommages liés à l’usage de drogues (RDRD). ==> Voir le texte de référence sur le site de l’Assemblée Nationale
L’article 9.L’article 9, offre la possibilité de l’expérimentation pendant 6 ans de Salles de Consommation à Moindre Risques pour usager-e-s de drogues (SCMR), laissant envisager que l’on puisse un jour voir apparaître des espaces de vaporisation ouvert aux usager-e-s de cannabis, ou des types de structures similaires au sein desquelles le matériel basique de réduction des dommages liés à l’usage (le vaporisateur) serait présenté et démocratisé, au côtés d’informations de prévention et de la possibilité de rencontrer des travailleurs sociaux et des addictologues. ==> Voir le texte de référence sur le site de l’Assemblée Nationale Notre première proposition d’amendement allait dans ce sens, mais même sans qu’il ait été adopté, il est possible d’imaginer l’expérimentation de SCMR pour les usagers de cannabis dès la publication des décrets d’application de la loi (courant 2016).
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Portail publié pour la première fois le 27 novembre 2014
Dernière mise à jour le 21 novembre 2015.