Selon les résultats d’un essai clinique publiés dans l’American Journal of Psychiatry, les sujets réduisent volontairement leur consommation d’alcool après avoir consommé du cannabis.
Des chercheurs affiliés à l’École de santé publique de l’Université Brown (État de Rhode Island, USA) ont étudié le désir d’alcool après usage de cannabis sur des sujets ayant des antécédents de consommation d’alcool et de cannabis. Les sujets ont inhalé aléatoirement du cannabis aux titrages de THC suivants: 7,2%, 3,1% et 0.3% (effet placebo). Les chercheurs ont ensuite mesuré la quantité d’alcool consommée par les participants au cours des deux heures suivantes.
La consommation d’alcool des sujets après inhalation s’est trouvée réduite significativement sauf pour le cannabis placebo titré à 0.3% de THC. En effet, les sujets ayant consommé du cannabis contenant 3,1 % de THC ont diminué leur consommation d’alcool de 19 % par rapport au placebo. Ceux ayant consommé du cannabis contenant 7,2 % de THC ont réduit leur consommation de 27 % par rapport au placebo.
Les participants ayant consommé une fleur à plus forte teneur en THC ont rapporté ressentir moins d’intérêt pour l’alcool et ont attendu plus longtemps avant de prendre leur premier verre, comparativement à ceux ayant consommé du cannabis à faible teneur en THC ou le placebo.
« Nous avons constaté que le cannabis inhalé titré à 3,1 et 7,2% de THC diminuait de façon aiguë la consommation d’alcool et retardait le premier usage d’alcool (dans des conditions de laboratoire contrôlées) par rapport au placebo », concluent les auteurs de l’étude. « Ces résultats suggèrent que le cannabis fumé réduit la consommation d’alcool et qu’à l’inverse, une privation aiguë de cannabis (la condition placebo) peut entraîner une augmentation compensatoire par la prise d’alcool. »
Dans un communiqué de presse joint à l’étude, l’auteur principal explique : « Nos observations sont cohérentes avec l’idée de l’effet de substitution popularisé par la tendance California sober. Au lieu d’observer une hausse de l’envie de boire liée au cannabis, nous avons constaté l’inverse. Le cannabis a réduit l’envie d’alcool sur l’instant, diminué la quantité d’alcool consommée sur une période de deux heures et retardé le moment où les participants ont commencé à boire une fois l’alcool disponible. »
Des résultats d’études cohérents avec ceux d’un précédent article publié en septembre dans la revue Drug and Alcohol Dependence, qui avait rapporté que les sujets réduisaient leur consommation de boissons alcoolisées de 25 % dans l’heure suivant la consommation de cannabis inhalé.
Paul Armentano, directeur adjoint de NORML aux USA, déclare : « Ces conclusions renforcent l’idée selon laquelle le cannabis légal peut servir de substitut à l’alcool pour certaines personnes, et que les marchés du cannabis légal peuvent, dans certains cas, perturber les marchés dominés par l’alcool. »
Selon des données d’une enquête publiée en 2024 dans The Harm Reduction Journal, 60 % des consommateurs de cannabis déclarent que leur usage du cannabis entraîne une consommation d’alcool moins fréquente.
Les données provenant de juridictions ayant un marché réglementé du cannabis montrent généralement une baisse des ventes d’alcool après la légalisation. De fait, une étude publiée cette année dans la revue Addiction a révélé une diminution durable de la consommation hebdomadaire d’alcool des Californiens, ainsi que de la fréquence de moments d’usage excessif (fêtes, soirées) après la légalisation. Au Canada, les ventes d’alcool ont également diminué suite à l’adoption de la légalisation du cannabis à usage adulte.
Notes/précisions par NORML France :
Les résultats de cette étude clinique américaine, comme tant d’autres avant elle, rappellent à quel point la France reste aujourd’hui prisonnière d’une vision dépassée du cannabis. L’étude présentée ici met clairement en évidence un phénomène désormais bien établi dans les États ayant légalisé : Le cannabis réduit la consommation et l’achat d’alcool, entraînant une réduction mesurable et significative de la consommation d’alcool à court terme.
Ces constats sont majeurs pour la France, pays où l’alcool demeure culturellement ancré et où il est encore à l’orgine de près de 50.000 décès par an (2ème cause de mortalité évitable après le tabac -75.000 morts-). Plutôt que de reconnaître le potentiel du cannabis, comme alternative moins nocive pour certains consommateurs ou comme simple produit dont l’usage peut être encadré, les pouvoirs publics continuent d’enfermer les français dans la désinformation et les usagers de cannabis comme de stupéfiants en règle générale dans criminalisation et la stigmatisation.
Pour NORML France, ce nouvel élément scientifique s’ajoute à un consensus croissant :
- Un marché régulé du cannabis permet non seulement de réduire les risques liés au produit lui-même (qualité, traçabilité, prévention)
- mais il peut également réduire les dommages liés à l’alcool, ou d’autres substances bien plus nocives et coûteuses pour la collectivité.
C’est pourquoi NORML France continuera de défendre, avec constance et détermination, une réforme du cannabis qui s’appuie sur la réalité scientifique pour protéger les citoyens et libérer enfin notre pays d’une inique prohibition, clairement inefficace, encore trop coûteuse et totalement contre-productive.
Le texte intégral de l’étude, « Acute effects of cannabis on alcohol craving and consumption: A randomized controlled crossover trial », est disponible dans l’American Journal of Psychiatry.
Article original publié sur NORML.org : Clinical Trial: Cannabis Smoking Linked to Significantly Reduced Alcohol Intake
