BULLETIN ENCOD SUR LES POLITIQUES DES DROGUES EN EUROPE

Juillet 2014

En Grèce, le ministre Markos continue la casse

 

 

En Grèce, l’usage de substances qui altèrent la conscience est aussi ancien que la civilisation hellénique, depuis les Mystères d’Eleusis jusqu’à la récente confrontation armée entre les forces de sécurité et les cultivateurs de cannabis dans les montagnes de Psiloritis en Crète. Les jeunes de Zoniana semblent profiter du fait qu’un petit groupe de crétois soient encore capables de dérouter la majorité des envahisseurs étrangers comme ils ont pu le faire avec les vénitiens, les turcs ou même les allemands. L’histoire de ces durs à cuire est devenu l’argument de l’inoubliable vidéo Fume ton Mythe en Grèce

On trouve un autre bon exemple dans les Cérémonies d’Eleusis ou dans le fait que la Crète soit considérée comme un des premiers endroits où l’usage du pavot à opium se soit généralisé après la chute de la civilisation minoïque. La Grèce devint un pays exportateur de haschich au cours du 19ème siècle et, même si son usage continue d’être criminalisé il reste un point commun aux villages méditerranéens.

Il y a encore peu de temps la Grèce subissait des sanctions très sévères à l’encontre de tout type de drogues et portait une charge sociale et sanitaire massive à cause de la criminalisation et de la stigmatisation de la consommation de drogues.

Par ailleurs la politique des drogues semble être la cendrillon des politique, réduite par le déroulement principal de la bataille continuelle entre la coalition de gauche Syriza et l’actuel gouvernement qui essaie de respecter les restrictions économiques imposées par la troïka de l’UE. Cependant, aussi bien en Grèce qu’à Chypre des candidats des différents partis ont été élus au Parlement Européen et pourraient aider à la réalisation de quelques changements positifs.

Il y a quelques années il y a eu une vague de dépénalisation et une tendance à l’acceptation de la consommation de drogues parmi les travailleurs sociaux et de la santé qui a provoqué de petits mais néanmoins importants changements à Athènes, la métropole qui possède la communauté de consommateurs d’héroïne la plus visible en Europe. Jusqu’alors la Grèce était connue comme ayant les lois les plus draconiennes de notre continent. Et comme conséquence de la crise économique, la situation déjà compliquée était devenue encore plus dramatique et les chiffres montrent une importante augmentation des infections et des maladies transmises par le sang.

Une nouvelle loi parue en 2013 pénalise encore les consommateurs et les condamne à 3 mois de prison et à 1000 € d’amende quand ils sont interpellés avec de petites quantités, même s’il ne s’agit que d’un usage personnel sans critères objectifs pour faire la distinction avec d’autres types d’usage ( cela reste à l’appréciation du juge). De même si quelqu’un est surpris avec 5 grammes et déclare être consommateur pour la première fois, il pourra être condamné de cette façon, sauf s’il a des antécédents judiciaires.

La culture du cannabis pour usage personnel est considérée comme un délit mineur sanctionné de 3 mois de prison et de 1000€ d’amende. Récemment il y a eu le cas d’un patient qui possédait beaucoup de plantes de cannabis mais il ne fut pas emprisonné car le juge a reconnu la nécessité thérapeutique. Par ailleurs, le gouvernement actuel a annoncé un nouveau projet de loi qui raccourcira les peines pour les trafiquants à grande échelle, qui doivent actuellement accomplir seulement un tiers de leur peine, alors que les consommateurs doivent encore faire front aux poursuites normales. Actuellement, la consommation de cannabis d’origine culturelle en Grèce et aussi de la partie hellénique de Chypre est responsable pour une partie constituant l’esprit national de ces pays.

La musique rembetika, littéralement imprégnée de haschich, représente encore l’âme la plus authentique de la musique populaire et son manque d’harmonie caractéristique est dû à ses mélodies circulaires orientales. Ce genre est un sous-produit de la « megali katastrofi », la grande catastrophe, en référence à la terrible conséquence des guerres gréco-turques et du retrait de la population de langue grecque de la côte occidentale de Turquie. En conséquence, la population métropolitaine a doublé en quelques mois, principalement à cause des réfugiés d’Anatolie au lieu des personnes occidentalisées que les grecs nationalistes espéraient voir arriver.

Ici, en Méditerranée sud-orientale, le rembete le plus connu, Markos Vamvakaris, a dédié sa chanson la plus connue de la classe politique : » Markos le Ministre » :

« Tous ceux qui deviennent premier ministre vont sans doute mourir. Les gens les apprécient pour les bonnes actions qu’ils font.Notre Kondilis est mort. Venizelou est parti Demrziz aussi est parti quand il devait trouver une solution. Je crois que je serai un bon candidat pour devenir premier ministre. Je serai donc capable de me promener toute la journée, en mangeant et en buvant comme un fou. Ainsi donc je me défendrai au Parlement et donnerai des ordres à tout le monde. Je laisserai tout le monde fumer le narguilé et tout le monde sera défoncé. »

L’auteur grec Ilias Petropoulos a passé quelques années en prison lors de la dernière dictature à cause d’une importante recherche qu’il a faite sur cette culture underground. Il s’est rendu compte que pour beaucoup de grecs il existe un relation intime entre la musique, la danse et le fait de fumer du haschich. Finalement Petropoulos a écrit un livre, le saint haschich, qui rappelle comment ce patrimoine culturel créé une espèce de polarisation face aux pouvoirs existants.

« Ces forces entrelacées, difficilement compatibles et pourtant complémentaires, sont en continuelle évolution, cristallisées dans certaines périodes et explosives dans d’autres. Les consommateurs sont les victimes prédestinées. Jamais personne ne leur a demandé leur opinion. Mais le dernier des fumeurs de haschich sait des choses que même le plus célèbre des professeurs ne peut imaginer. Naturellement, comme tout le monde, j’ai appris les leçons obligatoires sur le sujet, c’est à dire que le haschich est une drogue satanique, que ceux qui en abusent finissent par perdre corps et âme, que l’État doit en bloquer le trafic, que le système judiciaire protège nos enfants, que la police veille afin de protéger notre bien-être, et tant d’autres choses. Il y a 20 ans quand j’écrivais les trois paragraphes sur le haschich et l’addiction aux drogues dans Rembetika tragudia, j’étais dans une situation contradictoire du point de vue psychologique et idéologique. »

Pour Petropoulos la culture underground, el kosmos ipogeios, représente une source de valeurs, d’expériences et de connaissances qui sont en opposition à la société courante.  » J’aime les fous et les fumeurs de haschich, les voleurs et les prostituées parce qu’ils luttent contre toutes formes de pouvoir, mais je les aime encore plus parce qu’ils réussissent à survivre à la police, à la loi pénale, malgré la morale répugnante des petits bourgeois, mais surtout malgré sa propre passion brûlante. »

Actuellement les politiques des drogues grecques sont représentées par le travail de Okana, l’organisation nationale contre les drogues, qui malgré sa dénomination officielle est en train de réaliser en réalité quelques mesures de réduction des risques très intéressantes avec l’ouverture de la première salle de consommation pour les consommateurs d’héroïne dans le centre d’Athènes. C’est aussi le résultat d’épidémies en hausse.

Une autre évolution importante se tient dans le changement de paradigme dans les services des drogues qui ont abandonné la consigne de la guerre à la drogue en faveur d’un travail plus pragmatique et tolérant. Cependant, quelques termes se réfèrent encore à la défaillante guerre contre les drogues, comme par exemple le nom de « Département contre les drogues » et dénominations similaires, qui conservent une certaine complicité avec l’ancien régime qui se basait sur la propagande et le mensonge.

On a pas besoin de dire que la Grèce devrait être le premier pays à expérimenter quelques progrès que ce soit. De la même façon, nos amis et patriotes chipriotes voudraient entrer dans le monde anti-prohibitionniste. Tout dépend de nous.

Enrico Fletzer