En début de mois à Mexico, l’association SMART (Société Mexicaine d’Auto-consommation Responsable et Tolerable), composée de 4 membres, et qui dit « defendre les droits humains et la liberté de choix » gagnait une bataille judiciaire décisive devant la première chambre de la Cour Suprême de Justice de la Nation mexicaine.

La décision affirme à la fois l’inconstitutionnalité des lois réprimant l’usage de cannabis, et offre aussi la possibilité d’un cadre proche de celui des Cannabis social clubs.

Retour sur deux ans de combat contre la prohibition.

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Cette association – un ersatz de Cannabis Social Club – imaginé comme un bulldozer législatif, a été mis en place par l’organisation non-gouvernementale MUCD (Mexique Uni Contre la Délinquance) qui lutte depuis près de 20 ans pour la réforme des politiques relatives aux drogues dans une optique de paix sociale. On estime en effet qu’en 10 ans, ce sont un peu plus de 100 000 mexicains qui sont décédées ou ont disparu à cause du narco-trafic et de la guerre que lui mènent les gouvernement mexicain et états-unien, appuyés par l’ONU.

Après s’être vus refuser, en 2013, l’autorisation d’exercer au sein de leur association « les droits relatifs à la consommation à des fins personnelles comme le semis, la culture, la récolte, la préparation, le conditionnement, la possession, le transport, l’emploi, l’usage et d’une manière générale tout acte lié à l’usage adulte et personnel de cannabis pour les signataires et associés de la personne morale mentionnée, excluant expressément les actes de commerce tels que la distribution, l’aliénation ou le transfert dudit cannabis« , les militants de SMART ont continué leur combat, attaquant la décision en inconstitutionnalité quelques mois plus tard, arguant d’une « restriction indue des droits fondamentaux de l’identité et l’image propre, du développement libre de sa personnalité, de la liberté individuelle et de l’auto-détermination, le tout en relation avec les principe de dignité humaine et de droit à la Santé » mais aussi d’une « violation de la finalité objective du Droit pénal. » Ils perdirent, firent appel, subirent une contre-attaque du Ministère de la Santé mexicain, et le 9 avril 2014, c’est la Cour Suprême qui fut finalement chargée de donner le dernier mot à cette histoire.

La Cour Suprême de Justice de la Nation lors du vote de la résolution, le 4 novembre 2015 (Photo Prensa Libre)

La Cour Suprême de Justice de la Nation lors du vote de la résolution, le 4 novembre 2015 (Photo Prensa Libre)

Elle rendit sa décision plus d’un an et demi plus tard, ce 5 novembre 2015, confirmant aux plaignants de SMART le droit de consommer et cultiver collectivement du cannabis pour leur usage personnel. La décision précise que « la mesure extrême de prohibition [de l’usage de cannabis] est disproportionnée quant aux dommages scientifiques démontrés qu’il provoque » et affirme que la Justice « protège [individuellement les 4 membres de l’association], contre l’application des [articles de loi pénalisant la détention et la production à des fins personnelles] ». De fait, cette décision rend inconstitutionnels les articles pénalisant ces infractions.

Manque de bol, les 4 membres ne sont pas des usager-e-s, mais de fervents militants de la réforme des politique des drogues. Leur but n’est pas leur approvisionnement personnel immédiat, mais bel et bien de faire bouger les lignes juridico-politiques régissant le cannabis au Mexique. Ils voulaient ainsi ouvrir la voie – et le droit – aux millions d’usager-e-s mexicains de cannabis : ceux-ci peuvent mettre sur pied le même genre de structure en étant assurés d’obtenir le même jugement.

Qui sont-ils, d’ailleurs, ces 4 militant-e-s ? Leurs profils sont atypiques et étonnants, à commencer par le fait qu’aucun-e ne soit consommateur-trice de cannabis. Cependant, leur engagement de longue date et leurs actions pour les droits des consommateurs et pour lutter contre les violences liées à la prohibition des stupéfiants sont inestimables.

  • Josefina Ricaño de Nava, presidente et fondatrice de MUCD (Mexico Unido contra la Delincuencia), se décrit comme une combattante infatigable, qui contribue à lutter contre la criminalité par la voie légale ». Elle s’engage suite à l’enlèvement et l’assassinat de son fils Raoul, en organisant une marche silencieuse et pacifique contre l’insécurité, gagnant le soutien de plus de 120 000 mexicain-e-s. En 1998, elle exige du président d’alors, Ernesto Zedillo, qu’il utilise la force publique pour mettre fin à la violence.
  • Juan Francisco Torres Landa est avocat et secrétaire de MUCD, veut travailler à « un Mexique plus juste et équitable ».
  • Pablo Girault Ruiz, est trésorier de MUCD et membre du fonds d’investissement de capitaux risques et capitaux privés Disruptive Venture Partners.
  • Armando Santacruz González, est le porte-parole de MUCD, ainsi que le directeur général de Pochteca, un gestionnaire d’actions d’entreprises des domaines de la fabrication et comercialisation de produits chimiques, phramaceutiques et alimentaires.

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Immédiatement après le rendu de la décision, un rassemblement anti-prohibitionniste a eu lieu devant le bâtiment abritant la Cour Suprême, et les réactions ne tardèrent pas à pleuvoir. SMART et MUCD ne manquèrent pas de saluer le « vote historique », rappelant qu’il était « très important de dire que le propos principal derrière cette procédure, c’est de se demander si les démocracies libérales peuvent s’ingérer dans la vie privée des individus pour interdire l’usage délibéré et conscient de substances comme le cannabis« , tandis que pour le think tank CIDAC (Centre de recherches pour le développement), il s’agit « du premier changement de cap dans ce qui a été quasiment un siècle de politiques prohibitionnistes, depuis qu’ait été votée la première loi prohibitive au Mexique en 1926. »

Peu après, le gouvernement réagissait par la voix de sa ministre de la Santé Mercedes Juan, déclarant être « respectueux du jugement rendu, bien que nous ayons une approche différente sur les drogues », précisant que la décision de la cour suprême ne signifiait « définitivement pas, de notre point de vue, la légalisation du cannabis. » Plus tard, le président Enrique Peña Nieto déclarait être opposé « à titre personnel » à la légalisation du cannabis, mais rappelait – à juste titre – que son pays portait, auprès des organes internationaux (et en particulier l’ONU), une parole très forte demandant la révision des stratégies internationales de contrôle des stupéfiants et l’incitation à la mise en place de politiques plus axées sur la Santé et les Droits de l’Homme.

Aujourd’hui, 13 novembre 2015, une rencontre entre le gouvernement et le président de la première chambre de la Cour Suprême a eu lieu, afin de préciser les dispositions prises par cette dernière et mettre sur pied les procédures en découlant. Espérons que ceux-ci sauront entendre l’appel des militants de MUCD, qui exhortent les politiques « à mettre en place les modifications pertinentes dans la loi afin de faire valoir les droits humains de tous, incluant ceux qui, au Mexique, consomment du cannabis », les recommandations de l’OEA (Organisations des États Américains), et suivre la voie de bien d’autres pays d’Amérique centrale, du Sud et des Caraïbes (Uruguay, Chili, Colombie, Guatemala, Jamaïque…) mais aussi du Nord (Canada et de nombreux états des États-Unis d’Amérique).

Mais espérons aussi et surtout que les citoyens sauront se saisir de la graine lancée par ces 4 activistes pour généraliser et faire prendre racine à ce mode d’approvisionnement local, écologique, transparent, non-lucratif, protecteur, humain, social et solidaire que sont les clubs d’auto-support d’usagers et les cannabis social clubs.

Pour aller plus loin (en espagnol ou en anglais) n’hésitez pas à consulter les nombreuses sources répertoriées par SMART : www.smartclub.mx/medios.html

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