En complément de l’article d’Elsa Levy paru sur le site du Parisien Le cannabis : une plante médicinale encore taboue, voici l’interview complète donnée, représentant plus fidèlement la position de la commission Santé & Prévention de l’association Chanvre & Libertés-NORML France :

Dans quelle(s) mesure(s) le cannabis peut-il être utile à la santé publique ? Ses bienfaits sont-ils prouvés ?

Le potentiel médical des cannabinoïdes (THC, CBD, CBG, THCV, CBC…) est très important et la recherche sur les cannabinoïdes, actuellement en plein essor, ne fait que commencer depuis la découverte du système endocannabinoïde, système de communication ancestral et ubiquitaire retrouvé dans l’ensemble des tissus de l’organisme et pas seulement dans le cerveau : les cibles thérapeutiques potentielles sont donc nombreuses et les cannabinoïdes peuvent agir par d’autres mécanismes d’action ; actuellement, les scientifiques estiment qu’il pourraient être utile dans plus de 40 indications, allant de la schizophrénie (CBD) au diabète en passant par l’épilepsie ou l’ostéoporose. Les vertus les plus prometteuses des cannabinoïdes concernent assurément leur activité anti-cancéreuse…

Toutefois, ces éléments reposent souvent uniquement sur des études in vitro ou chez l’animal et l’on manque souvent de grandes études cliniques. Actuellement, les indications internationalement reconnues sont la sclérose en plaque, le syndrome de gilles de la Tourette, les effets secondaires des chimiothérapies (cancer, VIH), douleurs neuropathiques (SEP, traumatisme de la moelle épinière), glaucome rebelle aux thérapies conventionnelles. Le chanvre pourrait être utilisé en soins curatifs ou palliatifs dans ces pathologies avec une efficacité équivalente ou supérieure aux produits sur le marché du médicament et à un moindre cout, ce qui pourrait faire sans nul doute des économies à la sécurité sociale.

Toutefois, au-delà de ces aspects, c’est surtout la régulation du marché du chanvre destiné à un usage adulte qui pourrait permettre de réduire les dépenses de santé, en faisant reculer l’addiction au cannabis par un véritable encadrement  des usages, en économisant les dépenses considérables liés à la répression (plus d’un milliard d’euro par an) et en taxant le produit.

Comment expliquer que la légalisation du cannabis, malgré les fins thérapeutiques connues, soit aussi longue à se mettre en place ?

L’explication est multiple et plusieurs éléments sont majeurs : le contrôle des recherches scientifiques orientées uniquement sur les dommages potentiels (jamais sur ses bénéfices potentiels) et le monopole de l’industrie pharmaceutique qui contrôle le marché des stupéfiants (premier dealer mondial) : celles-ci n’apprécient guère la phytothérapie et la facilité de culture de cette plante.  Les freins viennent également du tabou social sur le cannabis, encore très présent en France et il n’est pas simple pour des responsables politiques peu courageux d’admettre les fondements commerciaux de la prohibition et l’échec patent du système de contrôle international.

Quels sont les enjeux véritables ?

Les véritables enjeux de la prohibition sont le contrôle des populations au niveau d’une nation et le contrôle de l’économie des pays producteurs de stupéfiants au niveau international. Les véritables enjeux de la régulation sont l’accès aux soins pour les malades, la relance de l’économie,  le recul du chômage, l’intégration culturelle de l’usage responsable,  la baisse de l’insécurité et de la corruption, le respect des libertés individuelles, la stabilité de nos institutions et le développement des pays producteurs de « stupéfiants ».

Dans le cas de la sclérose en plaques, pourquoi a-t-on affaire à des quotas ?

C’est une limitation de l’accès aux soins totalement inacceptable et injustifiée qui vise à limiter au minimum l’accès au Sativex , de peur que sa prescription médicale ne se généralise et ouvre la boite de pandore dans une vision alarmiste qu’aucune étude ne justifie.  La santé de nos concitoyens est hélas tributaire de négociations entre des agents de l’Etat qui n’ont que pour objectif de limiter les dépenses de la Sécurité sociale et des laboratoires pharmaceutiques qui cherchent à tirer le meilleur profit des traitements qu’ils produisent et mettent sur le marché.

Pourtant il existe une solution très simple et vraiment efficace en attendant que les pouvoirs publics et les industriels prennent leurs responsabilités : dépénalisons la culture de plantes, et reconnaissons que l’auto-médication par les phyto-cannabinoïdes facilite et améliore les conditions de vie pour des millions d’individus.

Commission Santé & Prévention.