Nos adolescents rentrent désormais facilement en relation avec les drogues, dont très majoritairement avec le cannabis. Avec le temps, on se rend compte qu’ils sont bien plus réceptifs aux messages de réduction des risques qu’aux messages d’interdiction. Désireux d’en savoir plus sur les effets réels des produits en menant leurs propres expériences, ils sont souvent en demande pour identifier leurs limites. Comme sur beaucoup d’autres sujets, l’éducation et le dialogue sont souvent les clés. 

L’injonction “tolérance-zéro” est inaudible pour la majorité des ados

Cannabis : Comment aborder la question en famille?

Cannabis : Comment aborder la question en famille?

Pour de nombreux parents, parler à leur enfant de l’usage de drogues ressemble à un parcours miné ; il leur est difficile de savoir quoi dire et comment le dire.

Mais une nouvelle étude provenant de chercheurs de l’Université de Colombie Britannique (UBC) et de l’Université de Calgary montre la voie à suivre. Emily Jenkins, professeur en soins hospitaliers à l’UBC, a étudié l’usage de substances par les mineurs et a interrogé avec ses collègues 83 adolescent.e.s de Colombie Britannique. De manière intéressante, cette étude a démontré que les messages de réduction des risques obtenaient plus d’écho parmi les ados que l’injonction habituelle “ne consommez pas de drogues [illégales]”.

Les adolescent.e.s nous ont dit qu’ils se désintéressaient généralement des messages prônant l’abstinence ou la tolérance-zéro, car ces messages ne reflètent pas la réalité de leur cadre de vie”, dit-elle. “Soit les substances sont déjà consommées par eux-mêmes ou leurs pairs, soit ces usages ont déjà lieu dans leur propre cadre familial.

1949 - Poster "Devil's weed"

1949 – Poster « Devil’s weed » – Le genre de publication qui ont semé le trouble dans l’imaginaire collectif.

La réduction des risques, une philosophie à appliquer en famille.

La réduction des risques (RdR) est une philosophie et un ensemble de pratiques qui admettent que l’usage de substances – que ce soit des drogues illégales, des cigarettes ou de l’alcool – fait partie de la vie. La RdR a pour objectif de réduire les effets délétères de l’usage de substances au lieu de simplement de l’ignorer ou de le condamner.

Emily Jenkins déclare que “Les jeunes étaient plus réceptifs quand leurs parents leur parlaient de l’usage de substances sans porter de jugement et savaient leur indiquer des ressources ou des stratégies destinées à minimiser les effets néfastes de ces usages. Cette approche semblait mieux préserver les relations familiales et la santé des jeunes.

Tolérance zéro ou trop grande permissivité, la réponse est souvent au milieu. 

Certains adolescents, adeptes de l’usage de substances malgré l’approche “tolérance zéro” de leur famille, ont déclaré se sentir déconnectés de celle-ci. Une participante qui consommait de l’alcool occasionnellement avait des difficultés avec sa mère, qui n’avait jamais bu. “Quand elle était adolescente elle n’a jamais fait cela… alors, pour elle, c’était comme si je prenais une route pour l’enfer” raconte-t-elle.

Un autre participant à l’étude dont la famille pratiquait la “tolérance zéro” s’est vu incapable d’aider un ami qui se débattait avec une surconsommation de cannabis et dont la famille bannissait également toute idée d’usage de substances. “Je ne peux vraiment pas l’aider si son père refuse d’en parler” a-t-il déclaré.

Des jeunes en attentes de limites.

Néanmoins, l’étude a démontré que les adolescent.e.s valorisaient encore les limites.

Une approche trop permissive à propos de l’usage de substances n’a pas fonctionné non plus. Un sujet qui buvait fréquemment de l’alcool a déclaré ‘en avoir assez’ mais ne pas savoir comment arrêter cela car ses parents ‘ne se soucient pas de ça. Je peux rentrer saoul et ils ne vont rien faire’.”

Cette étude, publiée dans le Harm Reduction Journal, a interrogé des jeunes âgés de 13 à 18 ans provenant des régions urbaines, sub-urbaines et rurales de Colombie-Britannique (Canada).

Les chiffres montrent que les plus hauts taux d’usage de substances et de dommages qui y sont liés ont lieu chez les jeunes, cependant le point-de-vue des jeunes est le plus souvent ignoré par les parents lorsqu’ils se positionnent sur le sujet. Cette étude va au delà de l’approche habituelle basée sur le point de vue de l’adulte et considère le savoir et l’expertise des jeunes usagers en tant qu’élément essentiel des programmes de prévention.

Nancy Reagan - Just say NO

Le message « Just say NO » de Nancy Reagan dans les années 80, ne semble pas avoir été très fructueux sur la consommation des plus jeunes.

Le Dr Jenkins recommande que les parents fassent l’effort d’accéder à des ressources scientifiques afin de s’instruire et se documenter pour parfaire leur stratégie, avant de parler à leurs enfants d’usages de substances.

Les parents doivent s’informer avant d’agir.

En conclusion, elle déclare “La récente légalisation du Cannabis [au Canada] renforce les occasions pour que les parents et autres dispensateurs de soins puissent adopter un discours ouvert et honnête avec la jeunesse sur l’usage de substances et les dommages potentiels, d’une manière appropriée à leur développement afin de les placer en position de prendre des décisions informées – et possiblement plus saines”.

Article original de Emily Jenkins UBC Media du 25 avril 2019 et traduit de l’américain par NORML France.


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