Article original de Natan Ponieman paru dans le magazine Benzinga le 26.07.2019

Une distinction majeure se fait sentir au sein de la communauté sans cesse croissante des producteurs et productrices de cannabis, des détaillant.e.s, des usager/ères, ainsi que des patients et des patientes. L’usage hédonique opposé à l’usage médical semble l’interrogation de base : Pourquoi a-ton envie de consommer cette substance ?

Les tendances de marché et les régulations des États ont formé les usagers à ne penser à cette question qu’en termes binaires.

Le dilemme opposant cannabis récréatif et cannabis médical

L’usage médical est simple à définir : Une personne se sent mal et son inconfort ou ses douleurs la poussent à utiliser des cannabinoïdes afin de se soulager. Cette médication peut diminuer l’intensité des symptômes ou agir sur les racines de la maladie.

L’usage adulte est plus délicat à appréhender : L’expression “usage adulte” est souvent interchangeable avec l’expression “usage récréatif” et, comme c’est le cas dans la plupart des textes de réglementation américaines, cet usage est souvent appelé “usage non-médical”. De nombreux professionnels et experts de la communauté scientifique ont des raisons de penser qu’une grande partie de l’usage étiqueté “récréatif” est en réalité médical.

Docteur en médecine, Professeur d’université, chercheuse, conférencière et consultante en usage médical du cannabis. Le Dr Carillo est une experte de la question.

« Je pense que l’usage adulte est le plus souvent de l’auto-médication. La plupart des adultes qui usent du cannabis, de mon point de vue, pratiquent une forme d’auto-médication pour traiter des états sous-jacents comme l’anxiété, les phobies, le stress, les douleurs chroniques [et] les troubles du sommeil. »

Relate Dr. Sandra Carrillo, clinicienne et spécialiste en cannabis médical.

Le Dr Carrillo expose qu’elle voit de plus en plus de ces adultes qui consomment du cannabis pour traiter trouble du sommeil ou anxiété, en substitution à la prise de médicament pharmaceutiques classique comme par exemple le Xanax et le Valium.

« Je vois des patientes qui utilisent le cannabis pour traiter leur fibromyalgie, leur migraines et leur SPM, à la place d’autres analgésiques. »

Mais que signifie ‘récréatif’ ? 

Mara Gordon, co-fondatrice de Aunt Zelda’s et Zelda Therapeutics, explique de son côté que le concept d’usage récréatif ne doit pas être entièrement rejeté. De son point de vue, alors que la plupart des achats inhérents à l’usage adulte sont effectués avec un but thérapeutique, il y a quand-même une distinction claire entre l’usage médical et l’usage récréatif : elle est liée à l’intention de l’usager/ère et à la dose consommée.

Mara Gordon est spécialise dans le développement des protocoles de traitement issus d’extraits de cannabis.

« Je différencie l’usage adulte de l’usage médical par l’intention qui sous-tend le geste ainsi que par l’effet. Généralement, l’usage [récréatif] adulte sert à créer ou à augmenter une expérience. Je dirais que le cannabis médical est un outil pour atteindre un sentiment de santé et de bien-être général et que, quand un.e usager/ère est déjà dans cet état de santé et continue à utiliser du cannabis, l’expérience cesse d’être médicale pour devenir récréative. »

L’usage récréatif et médical peuvent coexister chez les mêmes consommateurs et le fait qu’un cannabis aie été acheté dans une intention récréative n’empêche pas l’usager de profiter des propriétés médicinales de la plante, dit elle encore.

« De nombreuses personnes consommant du cannabis de manière récréative le font en réalité pour une raison médicale, comme par exemple une personne souffrant d’un trouble du déficit de l’attention (TDAH) qui utiliserait le cannabis pour se concentrer sans consulter un.e médecin ou un.e spécialiste au préalable. Cependant ces gens ne font quand-même que s’auto-médiquer, tout comme le ferait un individu ayant pris une aspirine pour un mal de tête sans consulter son médecin. »

La limite est déterminée par le moment où l’usager repose son vaporisateur par exemple, dit-elle. « Vaporiser pour se soulager et, dès que ce soulagement se manifeste, arrêter de consommer — [c’est] médical. Vaporiser pour se soulager puis continuer pour ressentir la psychoactivité  — [c’est] récréatif. »

 

Le cannabis en tant que produit de « Bien-Être »

Steve DeAngelo NORML France

Connu comme le « père de l’industrie du cannabis », Steve est un leader international du secteur : conférencier, activiste, porteur de plaidoyer, entrepreneur et éducateur.

Pour l’entrepreneur et militant cannabique de longue date Steve DeAngelo, le terme “cannabis récréatif” est trompeur :

« Je ne crois pas que le terme cannabis récréatif reflète la réalité. Catégoriser cela en tant que recherche collective de loisirs est mal comprendre la biologie humaine à la base, le système endocannabinoïde est la preuve que nous sommes ‘programmés’ pour l’usage de cannabis. »

La proposition de Steve DeAngelo : oublier la distinction du cannabis récréatif opposé au cannabis médical et catégoriser le tout en produits bien-être :

« La notion de bien-être couvre un large spectre : absolument tout, en partant du cancer jusqu’aux reflux gastriques. Mais le bien-être inclut également des choses auxquelles l’on pense comme au “high du cannabis” : augmentation de la patience, dynamisation de la créativité, éveil du sens du jeu, appréciation de la nature rehaussée, introspection encouragée [et] apprentissage de manières non-violentes de résoudre les conflits. »

Le cannabis est « sûr et souvent efficace » 

Les lois et règlements — tels ceux imposant aux détaillants des désignations comme “usage adulte” et “produit médical” — peuvent induire une information erronée sur la consommation de cannabis, d’après Mara Gordon de Aunt Zelda. « Cela rendu problématique l’analyse des données, parce que l’intention derrière l’achat n’est pas prise en compte », dit-elle.

Un sain mélange entre l’usage récréatif et médical existe dans le marché du cannabis non-médical, déclare la présidente d’Akerna Corp (NASDAQ: KERN) Jessica Billingsley :

« Un nombre conséquent de personnes achetant auprès du marché récréatif y trouvent aussi un bénéfice pour leurs problèmes de santé éventuels. Malheureusement, la croissance du marché médical a été entravée par de mauvaises législations étatiques et des listes restrictives d’affections reconnues. »

À mesure que les lois se rapprochent des tendances du marché, l’éducation des usagers est le meilleur outil que les marques responsables peuvent utiliser pour promouvoir de bonnes prises de décision.

L'auto-médication

L’auto-médication, une solution viable pour un usage médical du cannabis chez des patients correctement éduqués.

Dr Sandra Carrillo déclare que les usagers/ères devraient toujours obtenir un avis de médecin avant de pratiquer l’auto-médication. Pour cela, ils/elles devront reconnaître quels sont les besoins qui les amènent à consommer :

Les plus grands défis que nous rencontrons sont d’enseigner aux patient.e.s à utiliser des produits standardisés et à consulter leur médecin afin d’obtenir une ordonnance de cannabinoïdes adaptée”, dit-elle. « Nous devons inciter les patients adultes à passer la porte d’un cabinet médical pour calibrer leur dosage optimal [et] pour les aider à gérer leur affection tout en évitant tout mésusage.

Mara Gordon pense quant à elle que l’automédication reste acceptable, tant qu’elle est menée de manière responsable:

Une personne ne va pas demander un rendez-vous chez un médecin chaque fois qu’elle a mal à la tête. A la place, elle va chercher une des options de soins bien connues comme l’aspirine, les AINS, l’ibuprofène, etc. Le cannabis en faible dosage s’intègre merveilleusement bien dans ce schéma de soins de santé d’accès libre. Il est sûr et souvent très efficace, alors pourquoi ne pas l’essayer en première intention ? Puisque l’expérience peut être contrôlée par l’éducation et un étiquetage correct, les individus peuvent être habilités à rechercher la santé sans surcharger un coûteux système de soins de santé.

Article original de Natan Ponieman paru dans le magazine Benzinga et traduit de l’américain par NORML France.