« Politiques des drogues centrées sur les droits humains:
le rôle essentiel de la rencontre internationale de Genève » 
 
Compte-rendu de la Présentation/Débat organisée le 15 décembre 2016 par la Global Commission on Drug Policy et le Département Fédéral suisse des Affaires Étrangères.
 
Ruth Dreifuss, Kofi Annan, ainsi que des représentants de l’ONUDC, du WHO, de l’ONUG, de l’OHCHR et du DFAE se sont réunis à l’occasion du déménagement du bureau de la GCDP à Genève pour se présenter et parler de leur travail sur les politiques internationales de gestion des drogues.
 
La conférence, retransmise en direct, est disponible sur Youtube (en anglais) ainsi qu’au bas de cet article
 

Le prof. Mohammad-Mahmoud Ould Mohamedou, professeur adjoint d’histoire internationale au Graduate Institute de Genève et membre de la Commission d’Afrique de l’Ouest sur les Drogues (qui est le pendant africain de la Global Commission, avec pour but de fournir des informations et  recommandations aux gouvernements d’Afrique de l’Ouest), agit comme modérateur et guide les interventions de ce débat.

08:10 Mme Ruth Dreifuss, ancienne présidente de la Confédération et ministre de l’Intérieur, directrice actuelle de la Global Commission on Drug Policy, débute en remerciant ses partenaires, les autorités suisses et tous les activistes dans le domaine des politiques des drogues “sans le courage et l’engagement de qui, dit-elle, les politiques sur les drogues n’auraient pas entamé ce virage vers la protection de la santé et les droits humains”.

Elle nous apprend que la Global Commission on Drug Policy existe maintenant depuis 6 ans et que ses bureaux, à l’origine basés en Amérique Latine, ont été transférés à Genève depuis cet été. Que le petit secrétariat de la GCDP est composé de quatre membres dévoués qui font un énorme travail et que les ONG peuvent les contacter au besoin.

Kofi Annan, septième secrétaire général des Nations unies et Ruth Dreifuss, ancienne présidente de la Confédération suisse, tous deux membres de la commission, écoutent attentivement le reste du panel des intervenants.

La GCDP désire agir comme un lien entre les organisations d’usagers et les chefs d’état, en se consacrant en priorité à tenter de résorber le blocage par certains états du débat sur la question des politiques des drogues à l’OMS (WHO en anglais), qui est l’organe fournissant les rapports de base permettant à l’ONUDC d’émettre des directives internationales.

Mme Dreifuss rappelle que la ville de Genève représente le centre mondial des droits humains et de la sauvegarde de la dignité humaine. Qu’elle est l’un des principaux promoteurs internationaux des droits sociaux et économiques basés sur l’équité ainsi que la plateforme la plus puissante permettant aux organisations gouvernementales et aux ONG de communiquer entre elles sur la question des droits humains, de la santé, du travail, de la protection de l’enfance et de la lutte contre les discriminations, en particulier celles faites aux femmes.

À 22:10 intervention de M. Michael Møller, Directeur général de l’ONUG :
Il évoque notamment l’aspect des droits humains dans la lutte contre les toxicomanies et cite l’étude 2015 du HCHR sur l’impact du problème mondial de la drogue sur les droits humains. Ce rapport conclut que le droit à la santé doit être protégé et que les droits humains de base, comme l’interdiction de la torture, le droit à la vie et la protection contre les discriminations, doivent être respectés dans les politiques sur les drogues pour éviter les « effets non-souhaités ».

29:40 M. Kofi Annan, ex secrétaire général des Nations Unies, membre de la GCDP, a détendu l’atmosphère avec quelques bons mots dont il a le secret avant de parler des problèmes inhérents aux problématique de prohibition des drogues.

Je pense que les drogues ont détruit de nombreuses vies, mais je pense surtout que les mauvaises politiques gouvernementales en ont détruit bien davantage

Sa phrase peut à elle seule expliquer et justifier la raison de l’engagement de la Global Commission ainsi que de tant de personnes connues ou anonymes, en faveur d’un changement des politiques sur les drogues.

M. Annan nous rappelle également que :

[…] Nous oublions trop souvent qu’il y a cinq ans nous n’aurions même pas pu imaginer en être là où on en est aujourd’hui. En 2011, quand la Global Commission publiait son premier rapport, il brisait réellement un tabou : c’était la première fois qu’un groupe de leaders mondiaux cessaient de parler des drogues en termes moraux sous l’égide du bien et ou du mal en mettant en avant des analyses basées sur des données prouvées et des recommandations pour la sécurité, les droits, la santé et le développement”.

Évoquant le préambule de la convention unique des Nations Unies sur les stupéfiants de 1961 qui déclare que :

La santé et le bien-être de l’humanité sont le principal objectif de cette convention […] malheureusement, les politiques actuelles sur les drogues de nombreux pays ne permettent pas d’atteindre ces objectifs, … bien au contraire”.

Plus loin, il ajoute :

Nos sociétés doivent réguler les drogues parce qu’elles présentent des risques pour la santé, afin qu’elles fassent le moins de dommages possible, et que les plus dangereuses d’entres elles ne devraient jamais pouvoir être disponibles “sous le manteau” mais uniquement sous prescription médicale pour les personnes enregistrées comme usagers toxico-dépendants, comme c’est déjà le cas à Genève.

En vrac, quelques idées et phrases retenues au fil des intervenants :

  1. Jusqu’à présent les multiples institutions internationales travaillent en mode trop cloisonné, compartimenté, et cette segmentation nuit à la compréhension globale et au processus de prise de décisions impliquant tous les aspects d’une question, notamment les droits humains.
  2. La guerre aux drogues a causé des problèmes totalement involontaires. Elle a créé un énorme marché noir et institutionnalisé la discrimination des personnes les plus fragiles, celles qui devraient justement être protégées.
  3. Les infections VIH/Sida, qui progressent particulièrement vite dans les pays très répressifs, comme en Russie.
  4. Le problème du manque d’accès aux médicaments efficaces contre la douleur, qui sont pratiquement introuvables dans les pays émergents (et souvent producteurs) du fait des réglementations internationales sur les stupéfiants.
  5. Le problème de l’accès aux outils de réduction des risques chez les déplacés et dans les camps de réfugiés.
  6. La problématique des nouveaux canaux d’accès aux drogues via le Darknet et de l’arrivée massive des NPS sur le marché noir (nouveaux produits de synthèse).
  7. Paradoxe fondamental: Les politiques sur les drogues sont présentées au monde comme essentielles pour la santé publique, alors qu’elles sont un exemple magistral de remède qui est pire que le mal.  

Retrouvez l’intégralité de la conférence et des différents interventions dans cette vidéo : 

Index des interventions pendant la conférence :
  • 45:30 Sabrina Dallafior, représentante permanente de la Suisse à la conférence sur le désarmement et représentante permanente adjointe à l’ONU.
  • 53:00 Maria Cattaui, ex Secrétaire générale à la Chambre Internationale du Commerce suisse, membre de la GCDP.
  • 1:00:00 Michel Kazatchkine, ex-directeur exécutif du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, membre de la GCDP.
  • 1:09:20 Shekhar Saxena, directeur du département de la Santé Mentale et de l’Abus de Drogues à l’OMS.
  • 1:19:15 Craig Mokhiber, directeur du Développement et de l’Économie Sociale à l’OHCHR.
  • 1:28:10 Bente Angell-Hansen, représentante permanente de la Norvège aux Nations Unies à Vienne et présidente de la CND.
  • 1:33:40 Gilberto Gerra, directeur des départements de la Prévention des Toxicomanies et de la Santé à l’ONUDC.
Pour aller plus loin :