De nombreux pays expriment leur préoccupation quant à la légalisation du cannabis à des fins non-médicales, en raison de la nécessité de maintenir le respect du droit international (exemple récent en Italie).

Après d’amples consultations et études, le think tank FAAAT a trouvé qu’en réalité il est tout à fait possible pour un pays de respecter la Convention Unique, de bonne foi, tout en légalisant le cannabis à des fins non-médicales (comprenant de facto l’usage dit “récréatif”).

La Convention Unique sur les stupéfiants de 1961 n’est PAS un traité de prohibition : c’est un traité de contrôle des drogues.

High Compliance - FAAAT.net

Un pays qui légalise le cannabis se met-il en porte-à-faux vis-à-vis des conventions internationales ? Kenzi Riboulet-Zemouli (FAAAT, cofondateur NORML France) tente de répondre à cette question dans son dernier rapport “High Compliance : a lex lata legalization for the non-medical cannabis industry. How to regulate recreational cannabis in accordance with the Single Convention on narcotic drugs, 1961”.

Il établit un marché licite pour les drogues dans différents contextes : usage médical, usage scientifique… mais aussi usages industriels, définis dans la Convention comme « fins autres que médicales ou scientifiques ».

Le vaste consensus de la Commission des Stupéfiants de l’ONU qui négocia la Convention, avec des représentants de presque tous les pays, des USA à l’URSS, visait à exclure toute prohibition obligatoire et toute mesure qui aurait réduit la souveraineté des États membres – mais cette intention fut mal interprétée et illégitimement ignorée dans les décennies qui ont suivi, essentiellement pour des raisons politiques et morales. 

Cette dernière convention est souvent citée à mauvais escient : il y a 7 mots importants dans l’article 4 qui sont systématiquement oubliés par ceux qui s’y réfèrent, qui expliquent que la Convention Unique ne limite PAS le cannabis à des fins médicales et scientifiques.

Article 4: « Les parties prendront les mesures législatives et administratives qu’elles jugeront nécessaires : (c) Sous réserve des dispositions de cette Convention, pour limiter exclusivement la production, la fabrication, l’export, l’import, la distribution, le commerce, l’usage et la possession de drogues à des fins médicales et scientifiques. »

Le passage en gras est toujours tronqué quand l’Article 4 est cité. Mais ces mots sont fondamentaux et ne pas en tenir compte est un parti-pris.

Au lieu de cela, la Convention prévoit cette limitation comme étant soumise à une exception : une exemption qui s’applique au cannabis utilisé dans l’industrie, à des fins non-médicales.

Oui, la Convention permet d’interdire le cannabis.

Mais oui, aussi, l’article 2 alinéa 9 de la Convention Unique permet aux pays de légaliser les industries non-médicales du cannabis, de bonne foi, tout en réduisant les risques et en respectant les obligations au titre du droit international, donc en respectant les traités.

Les deux interprétations sont possibles, et les deux interprétations sont légitimes. Cela dit, une interprétation est plus saine, et mieux conforme au consensus de 1961 ainsi qu’aux textes du traité en 2022 : c’est l’interprétation qui reconnaît l’exemption du cannabis non-médical au titre de l’article 2 alinéa 9.

L’Article 2(9) de la Convention prévoit 2 conditions ; si ces deux conditions sont respectées, l’on peut alors produire, fabriquer, exporter, importer, procéder à des échanges, et posséder du cannabis à des fins autres que médicales et scientifiques. Les deux conditions sont les suivantes :

  • Article 2(9) alinéa (a) : les pays doivent éviter les dégâts qui peuvent être causés par le cannabis en prenant des mesures nécessaires, et réduire le risque d’abus (ce qui revient à mettre en place des mesures efficaces de réduction des risques et de prévention des troubles liés à l’usage de cannabis).
  • Article 2(9) alinéa (b) : les pays doivent envoyer un rapport sur les quantités de cannabis utilisées à des fins non-médicales, à l’OICS, chaque année.
  • Quant au reste : aucune obligation supplémentaire ne s’applique.

En effet, comme l’ont voulu les rédacteurs de la Convention Unique, les pays sont libres de réglementer en fonction de leurs priorités nationales, stratégies, et principes constitutionnels propres.

Le commentaire de la Convention Unique est tout à fait univoque : en remplissant ces conditions, on rend légal « la non-application du plein régime de contrôle des stupéfiants prévu par la Convention Unique ».

Voilà le régime juridique international du cannabis non-médical : le cannabis utilisé de manière commune dans l’industrie à des fins autres que médicales et scientifiques fait l’objet d’une exemption au titre de l’article 2(9) de la Convention Unique sur les stupéfiants.

Une analyse juridique minutieuse venant conforter cette interprétation a été publiée le lundi 14 mars 2022. Elle est intitulée « High Compliance », et est disponible en accès libre sur www.faaat.net/highcompliance.

Dans ces temps difficiles où le respect du droit international est souligné par toutes les parties comme étant d’importance capitale, la redécouverte du texte de la Convention Unique, et de ses exemptions prévues pour des utilisations industrielles et non-médicales est plus qu’opportune.

Le rapport complet sur ResearchGate :
Le rapport complet sur ResearchGate.net

L’executive Summary (résumé) :
Executive Summary

Présentation vidéo du rapport sur Youtube (FR) : 
Légaliser le cannabis récréatif en respectant la Convention Unique de 1961 ? Discours à l’ONU

Crédit image à la une de l’article : un.org/fr