Après le succès de la petite encyclopédie « Le chanvre, du rêve aux mille utilités » chez les aficionados du Cannabis français, (aussi traduit en anglais et en espagnol et disponible à l’international), Alexis Chanebau sort récemment un nouveau recueil incroyable de traditions perdues, véritable guide touristique, historique et patrimonial inédit, département par département…
Parce que nos racines sont importantes et que la connaissance éloigne peur et tabous, voici Mémoires du chanvre français, pour se souvenir de la place d’un chanvre libre dans la vie quotidienne de nos aïeux.
Nous avons profité de la sortie de ce livre pour interviewer son auteur :
Alexis, en tant qu’adhérent de l’association depuis 2016, nous avons eu le plaisir de te croiser sur plusieurs événements cannabiques ainsi qu’à nos réunions, en tant que référent Histoire et Tradition du collège d’experts.
Cependant, travail militant mis à part, nous te connaissons finalement assez peu.
Peux-tu nous parler de ton parcours personnel avant ta rencontre avec le chanvre ?
J’ai “rencontré le chanvre” à 18 ans, avant d’aborder une carrière professionnelle tournée vers le tourisme puis vers la composition musicale. En 2010 j’ai été promu sociétaire professionnel de la Sacem lors de la « Promotion Alain Chamfort ». Puis en 2011 j’ai dû m’inscrire au RSA et j’ai mis le chanvre comme projet de conversion (boutique, auteur, conférencier). On m’avait d’ailleurs octroyé un budget pantalon, chemise, chaussure, etc., pour pouvoir assurer des conférences.
Comment s’est passée cette dernière (ta rencontre avec le chanvre)?
Impressionné à 16 ans au lycée par des amis musiciens fumeurs et virtuoses, j’ai attendu d’avoir 18 ans et ma majorité, par respect pour mes parents, pour accepter leur joint pendant une répétition et j’ai eu soudain eu l’impression que mes oreilles se débouchaient, accentuant avec délice tous les “reliefs sonores”.
En 2009, l’émission TV “Le journal de la santé” m’a aussi marqué, avec une émission Spécial cannabis où Michel Cymès, l’animateur vedette, faisait des courbettes à un des rares étudiants français qui venait d’être reçu à Harvard (en affirmant fumer 10 joints par jour à l’âge de 14 ans). Michel Cymès expliquant que son plus grand rêve aurait été d’y arriver.
Quels sont les produits du chanvre que tu utilises au jour le jour ? Ou plus occasionnellement?
Du chanvre récréatif, utile pour se remettre à l’ouvrage, sans jamais se lasser…De la protéine de chanvre, pour entretenir ma masse musculaire et faire du VTT avec un maximum d’énergie en réserve. De l’huile de chanvre pour adoucir la peau ou en massage (réparateur), et pour mes besoins nutritionnels, voici ma recette personnelle ultra-rapide : déguster une ration d’huile de chanvre versée dans les alvéoles d’une tomate crue. J’utilise aussi, à l’occasion, des textiles en chanvre : sac, baskets, marcels (chanvre/coton), chemise.
Peux-tu nous parler un peu du contenu de ton dernier livre « Mémoires du chanvre français »…
C’est un relevé de tout ce qui concerne le chanvre librement cultivé en France sans contrôle de THC, jusqu’à la prohibition mondiale du cannabis en 1964 : des centaines de noms patois, des milliers de lieux-dits, de traditions, de proverbes répertoriés. Chaque département inclut en outre, le nombre exact d’hectares de chanvre cultivés vers 1840 et la liste des villes ou villages reliés à des documents historiques chanvriers (dîme de chanvre pour les seigneurs ou le clergé, moulins, papeteries, anciennes techniques, us & coutumes, etc.).
Quelles sont tes sources pour tes recherches ?
J’ai mis un point d’honneur à bien indiquer la source pour chaque référence, mot ou anecdote (auteur, titre, page et année de publication) en utilisant dictionnaires, glossaires du patois, Larousse Agricole, Encyclopédie de Diderot, Littré, BNF, Gallica, relevés d’archéologie, Cartulaires, Archives départementales, etc.
Environ 7 m de haut, voila le vrai potentiel du chanvre naturel cultivé en Italie, jusque dans les années 1960, sans aucun contrôle de THC. Le « chanvre industriel » actuel, sélectionné à 0,2% de THC, plafonne à 3m 50 : 2 fois moins de rendement !#chanvre #cannabis #culture pic.twitter.com/6qHrIbVh2o
— Alexis Chanebau (@chanebau) March 2, 2020
Ton ouvrage remonte jusqu’aux usages du néolithique, n’as tu pas l’impression que la législation française a eu une influence sur la compréhension de l’archéologie et l’histoire du chanvre de par sa censure moderne.
Certainement, après la prohibition, les mots chanvre et cannabis furent effacés des cursus universitaires aux USA et notre éducation française moderne ne fait également aucune leçon sur l’utilité providentielle que cette plante avait autrefois, pour la Marine par exemple.
Il y a encore 80 ans, les manuels scolaires français étaient imprimés sur du chanvre/lin (papier chiffon). Les muscles des bras d’enfants se développaient encore parfois sur les cordes de chanvre des gymnases d’établissements scolaires (les cordes en chanvre sont plus souples, moins rugueuses et non toxiques, comparées aux cordes synthétiques actuelles). De nos jours, personne ne se demande de quelle matière sont composés nos objets courants et l’utilité du chanvre, matière première indispensable il y a encore seulement 100 ans, a été sciemment effacée des mémoires depuis deux générations..
On peut aussi retrouver l’usage du chanvre dans de vieux rapports d’archéologie, inventaires de graines de chanvre calcinées et analysées, bas reliefs antiques, etc. Mais de nos jours, la moindre allusion au chanvre peut vous cataloguer et vous stigmatiser. Stéphane Le Foll que j’avais rencontré une semaine avant l’élection de Hollande était un spécialiste féru de chanvre, mais il n’en a pas du tout parlé pendant qu’il était ministre de l’agriculture (pression des lobbys, peur de perdre sa place, etc.). Depuis qu’il est redevenu simple maire du Mans, il promeut à fond son projet chanvre/hydrogène pour les bus de sa ville.
Est-ce que l’article L3124-4 du CSP (Présentation sous un jour favorable de l’usage de stups) nuit à tes recherches mais aussi et surtout à tes publications?
Je dois avouer que j’ai pris un risque déjà pour mon premier livre “Le chanvre (cannabis), du rêve aux mille utilités”, mais présenté comme je l’ai fait, en englobant toutes les extraordinaires qualités de la plante, on s’aperçoit que le côté récréatif du chanvre qui a été mis en avant et criminalisé n’était peut-être qu’une facette obscurantiste destiné à favoriser d’autres matières de rente comme le pétrole, le coton, l’amiante, le sable pour le béton, le bois pour la papeterie, les médicaments chimiques, etc.
As-tu d’autres projets pour les années à venir? Et si oui avec qui travaille tu sur quel type de projet?
Vu ma collecte incessante de documents, j’ai de quoi publier de nombreux livres sur d’autres sujets cannabins (adjectif utilisé naguère). Je viens récemment d’être engagé comme journaliste-pigiste pour un site web canadien.
A Quand ton livre en papier de chanvre? Pourquoi le chanvre n’est à ce jour pas plus accessible pour les supports papier?
Il faut sans doute produire plus de chanvre, par tous les moyens y compris la légalisation, pour que le prix du papier de chanvre baisse par rapport au prix du papier à base de pulpe de bois, qui est source de pollutions au soufre, chlore, dioxine, etc..
Après les rapports du GIEC sur le climat, j’espère que le chanvre, culture sans pesticides, trouvera enfin une place comme outil populaire, en tant que plante optimale pour lutter contre de nombreux problèmes urgents : la pollution et le réchauffement de notre planète, la faim dans le monde (protéines), réduire l’alcoolisme et les effets négatifs de nombreuses maladies (alternative thérapeutique), la répression, les dépressions, la désertification des campagnes, etc.
Je ne sais pas si cette plante sauvera le monde, mais si on arrive à améliorer un tant soit peu la condition de notre planète, ce sera en grande partie grâce à elle!