De toutes les méthodes de consommation du cannabis, l’ingestion ou l’administration par voie orale reste encore la moins utilisée par les usagers, pourtant souvent privilégiée par les plus expérimentés.

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“Edible” est un terme anglais qui signifie littéralement “comestible”. Aux Etats-Unis, cet adjectif a été détourné en nom commun pour désigner l’ensemble des produits comestibles qui contiennent des cannabinoïdes. Il est encore difficile de choisir une terminologie exacte tant la diversité des produits est grande et le terme “edibles” déjà largement connu par les usagers de cannabis à l’international. C’est donc la dénomination que l’on utilisera dans cet article afin de vous présenter cette pratique qui n’est pas nouvelle (l’autre terme connu “space cake” sera à éviter au vu de sa connotation réductrice).

Les edibles dans l’histoire et les traditions

Bien que les edibles soient apparus sous cette dénomination avec les mouvements récents de légalisation en Amérique du Nord, les recettes au cannabis font partie de traditions ancestrales locales dans le monde entier. Certaines sont encore vivantes aujourd’hui. Ces “edibles traditionnels” sont appréciés pour leur goût, leur dimension culturelle, spirituelle et/ou leurs vertus thérapeutiques. Parmi les plus connus, nous retrouverons :

Le “Bhang Lassi”

Deux verres de Bhang Lassi

Deux verres de Bhang Lassi qui est à l’origine une boisson sacrée liée au culte de Shiva.

Au nord de l’Inde, une tradition millénaire représente une part importante de la culture hindoue, le Bhang Lassi, à l’origine une boisson sacrée liée au culte de Shiva. 

Sa recette ressemble à celle d’un milk-shake : yaourt, noix, épices, eau de rose et cannabis. Le chanvre séché utilisé pour le bhang lassi est préalablement émietté, humidifié puis compressé en boulettes. Il peut contenir un nombre variable de boulettes, en fonction de l’intensité recherchée.

Le mot bhang signifie littéralement “cannabis” et il représente pour la communauté hindoue le lien de communion entre le sacré et le profane. La pratique du bhang est un moyen de s’élever vers le dieu Shiva, parfois appelé “premier dieu “hippie” de la mythologie”. 

Chaque année, lors de fêtes comme Holy (le Nouvel An indien, surnommé aussi “fête des couleurs”) ou lors du Shivatri (jours fériés en l’honneur de Shiva), pratiquement chaque Hindou du nord de l’Inde, jeune ou vieux, consomme du bhang lassi pour honorer le dieu Shiva.

Le Maâjoun

Au Maroc, la maâjoun se présente sous la forme d’une pâte composée de dérivé de cannabis et d’une liste variable d’ingrédients : noix, amandes grillées, épices, plantes … Le tout pilé et pétri avec du miel et une huile végétale. Aujourd’hui les modes de consommation et les recettes de maâjoun ont évolué. Par exemple, certains peuvent le mélanger à du yaourt ou à des gâteaux, l’accompagner de confiture ou y incorporer de nouveaux ingrédients comme le chocolat. Dans le passé le Maâjoun (ou Majoun) était parfois ingéré en tant que médication pour soulager les affections courantes. Certaines préparations contiennent un grand nombre de substances connues pour leurs vertus aphrodisiaques et sont cuisinées spécialement pour les mariages. Traditionnellement, les recettes de maâjoun ont un caractère secret et sont transmises au sein des familles.

Happy Pizza

Au Cambodge, le cannabis est traditionnellement cultivé et ajouté dans de nombreux plats en tant qu’ingrédient. Malgré une illégalité décrétée officiellement par l’État (suite à la Convention unique sur les stupéfiants de 1961), le cannabis fait partie de la culture cambodgienne et reste largement toléré. Son usage y est d’ailleurs encore fréquent chez les personnes âgées. L’usage traditionnel des fleurs de cannabis dans la cuisine s’est naturellement mis au goût du jour avec la popularité des happy pizzas, dans les grandes villes comme dans les coins plus reculés du pays. Il est difficile de ne pas remarquer les nombreuses enseignes explicites (à destination des touristes) des établissements qui en proposent. Attention aux gourmands, les surdoses sont souvent trop vite arrivées !

Les edibles aujourd’hui

L’ingestion de mets psychoactifs n’est donc pas une pratique nouvelle. Les standards actuels sont souvent inspirés de la culture américaine : sodas, bonbons, brownies, chewing-gums, barres chocolatées… Ces produits contenant du THC ont, dans les pays où ils sont vendus, l’obligation d’avoir leur titrage contrôlé et clairement affiché sur leur emballage. Les conseils d’utilisation et la prévention réalisée au moment de la vente du produit permettent de diminuer fortement les risques de surdoses, ce mode de consommation n’étant pas anodin.

Il existe plusieurs manières de créer un edible : en cuisinant directement avec de la matière végétale, en passant par exemple par l’étape du beurre de Marrakech pendant la préparation de l’aliment ou directement dans le produit fini, en ajoutant un extrait complet type RSO, BHO, Rosin ou des cannabinoïdes isolés (THC, THCa, CBD, CBDa, CBG, etc.).

Cuisiner avec des fleurs de cannabis

La création d’edibles nécessite l’extraction des cannabinoïdes de la fleur dans un corps gras. En effet, les cannabinoïdes sont liposolubles : ils se transfèrent dans le lait, l’huile, le beurre, ce qui rend impossible l’existence d’un thé contenant des cannabinoïdes.

Préparation d’un beurre de Marrakech avec des fleurs séchées de cannabis.

Pour être activés, les cannabinoïdes doivent passer par un processus qui implique chaleur et temps. C’est ce qu’on appelle la décarboxylation, une réaction chimique ayant pour résultat de transformer la forme acide des cannabinoïdes (THCa, CBDa …) en leur forme active (THC, CBD…). Cliquez ici pour en savoir plus sur les principes actifs du chanvre.

L’utilisation de fleurs séchées en cuisine permet l’extraction du spectre complet dans le produit fini : terpènes, cannabinoïdes, flavonoïdes

Il faut également noter que la puissance du produit fini dépend de plusieurs facteurs comme la génétique des fleurs, leur croissance, leur conservation et le temps d’infusion, mais aussi du reste de la préparation (graisses, sucres, etc…), de l’ordre des étapes de la recette ainsi que la température de cuisson. Les effets seront aussi modulés, comme toujours, par “le terrain” propre à l’usager.

L’ajout de cannabinoïdes isolés

Bonbons au CBD

En France, les edibles au CBD se popularisent. Ce phénomène  s’explique par l’attrait de la nouveauté et les spécificités apaisantes du CBD alors que le marché du bien-être explose.

Pour maîtriser au mg près les taux, les industriels et fabricants d’edibles utilisent souvent une autre méthode. Ils procèdent par ajout d’isolat de cannabinoïdes comme le THC, le CBD ou même plus récemment le CBG, sous forme de poudre cristalline (99% de pureté) ou d’extrait de type distillate (entre 70 et 90% ). Ces cannabinoïdes isolés peuvent se trouver sous formes acides, dites “raw”, ou décarboxylées.

En plus de la facilité de maîtrise des taux tout au long de la production et d’un prix de revient moindre, l’intérêt de cette seconde méthode est la possible absence de goût et d’odeur de cannabis.

Les mouvements de légalisation aux Etats-Unis ont permis le développement de cette nouvelle gamme de produits comestibles, qui représentent une part grandissante du marché du cannabis. 

En France aussi, les edibles – au CBD uniquement – se popularisent. Ce phénomène  s’explique par l’attrait de la nouveauté et les spécificités apaisantes du CBD alors que le marché du bien-être explose (1)(2).

Précautions sur l’usage des edibles contenant du THC

Quelques exemples de symboles obligatoires sur les produits contenant du THC dans les pays ayant légalisé le cannabis.

Lorsque le cannabis est ingéré, ses effets mettront plus longtemps à être ressentis par l’utilisateur pour ensuite durer entre 4 et 6 heures en moyenne, bien plus longtemps que s’il avait été inhalé. Ce temps de latence est dû au processus de digestion par le foie, qui va transformer la molécule delta-9-THC en 11-hydroxy-THC (3), molécule qui est légèrement différente  dans sa construction moléculaire et  dont les effets sont beaucoup plus puissants, ils peuvent dans certains cas être comparés aux effets psychédéliques induits par la consommation de LSD/Champignons hallucinogènes.

Les produits au cannabis ingérés étant métabolisés par le cytochrome P450 dans le foie, il convient de surveiller les possibles interactions médicamenteuses avec les prescriptions de médecins, car la puissance et les effets secondaires des médicaments prescrits peuvent être augmentés ou, plus rarement, diminués. 

L’erreur la plus fréquente lors d’une première prise d’edibles est de prendre une trop grande quantité, ou de reprendre trop tôt une nouvelles dose en l’absence d’effets alors que ceux-ci allaient faire effet sous peu. Il faut compter entre 20 et 90 minutes, parfois même jusqu’à 4 heures, pour ressentir les effets lors d’une ingestion et parfois ¼ de cookie peut être suffisant.

Pour chaque nouveau produit dont on ne connaît pas l’intensité ou lors de premières expériences, la règle incontournable est de ne prendre qu’une petite quantité lors de la première prise et de consommer à nouveau ou de n’augmenter la dose que prudemment, après une période pouvant aller jusqu’à 4 heures. Ce délai dépend de beaucoup de facteurs : vous avez mangé ou bu avant (digestion plus ou moins rapide), vous êtes fatigué ou avez eu une activité physique (état général), ainsi que de la relation avec les molécules que chacun entretient, les êtres vivants ayant tous des réactions différentes face à la prise de substances psycho-actives.

Ces facteurs ont aussi une influence sur les “habitués” du cannabis. Ainsi, si un jour vous avez consommé un cookie à 10 mg de THC et pu reprendre un autre sans aucun problème 2 heures après, la prochaine fois n’en reprenez toutefois pas 2 dès le départ! Pour éviter au maximum les risques, il faut bannir la polyconsommation de produits psycho-actifs, comme par exemple la consommation d’alcool, souvent additionnée à la prise d’edibles dans un contexte festif. De façon générale, il faut être plus prudent lors de consommation d’edibles que lors de l’inhalation de fleurs séchées pour minimiser le risque de surdose.

Une meilleure pratique de réduction des risques

L’avantage premier de l’utilisation d’edibles, c’est de se passer de la combustion, pratique particulièrement nocive, l’inhalation de fumée à forte dose pouvant engendrer des complications au niveau respiratoire (bronches et poumons notamment). L’ingestion est en cela une alternative à la vaporisation, ces deux méthodes ne provoquant pas de complications physiques (en savoir plus sur la vaporisation).

De plus, le cannabis cuisiné permet de potentialiser les principes actifs de la plante, la combustion détruisant un pourcentage important de cannabinoïdes. 

En effet, la combustion permet au maximum l’absorption de 25% de cannabinoïdes, l’autre partie étant détruite par l’action de combustion. Des gaz comme le monoxyde de carbone, le benzène, l’arsenic, des goudrons etc. sont également produits et absorbés par l’usager. La vaporisation, quant à elle, permet l’extraction et la consommation de 90% des cannabinoïdes sans gaz nocifs.

Parce que les effets sont plus puissants et durent plus longtemps, ce type de consommation est particulièrement intéressant pour un usage médical et particulièrement pour soulager douleurs et inflammations. Un autre avantage est la facilité avec laquelle il est possible de quantifier avec exactitude le taux de cannabinoïdes de ses produits.

 

Infographie Edible

 

Références

(1) https://www.etudes-et-analyses.com/blog/decryptage-economique/etude-marche-etre-france-12-02-2020.html

(2) https://www.robeco.com/fr/actualites/2019/05/les-grandes-tendances-de-consommation-en-2019-sante-et-bien-etre.html

(3) https://fr.wikipedia.org/wiki/11-hydroxy-delta-9-THC

Pour aller plus loin