Le HHC, bref historique
Le HHC, ou hexahydrocannabinol, a été décrit pour la première fois dans la littérature scientifique en 1940. Il ressemble chimiquement au Δ9-tétrahydrocannabinol (THC) et ses effets sont similaires, cependant sa pharmacologie et sa toxicité n’ont pas encore pu être évaluées chez l’homme. Le HHC n’est pas listé dans les Conventions des Nations Unies de 1961 et 1971 et donc n’est pas prohibé, sauf dans quelques pays ayant adopté une réglementation spécifique.
Les NPS, Nouvelles Substances Psychoactives dont le HHC fait partie, peuvent être classées selon leur structure chimique, leur action pharmacologique ou leur origine (naturelle, semi-synthétique ou synthétique).
Au niveau chimique le HHC fait partie des hexahydrobenzochromènes, mais d’autres dénominations suivant des paramètres différents existent. Au niveau pharmacologique, le HHC est classé dans les cannabinoïdes (les substances qui agissent sur nos récepteurs cannabinoïdes) et l’origine du HHC est classée comme semi-synthétique, parce que celui-ci est généralement synthétisé à partir de cannabidiol (CBD) extrait de chanvre à faible teneur en cannabinoïdes.
Le marché du HHC en Europe
Le HHC s’est retrouvé sur le marché aux USA en 2021, puis dans 70% des États membres de l’UE entre mai et décembre 2022. Il est vendu comme une alternative légale aux produits contenant du THC, sous forme de fleurs sprayées sur lesquelles est vaporisé du HHC ou de résine mixée avec du HHC. Il se trouve aussi dans des liquides de vapotage et dans des produits alimentaires infusés (appelés ‘edibles’) et tout particulièrement dans des bonbons à la gélatine.
Techniquement, les produits du cannabis qui contiennent du HHC ressemblent à ceux issus de plantes de cannabis naturelles à dominante THC ou CBD. C’est pourquoi il est possible que le HHC soit vendu comme du cannabis CBD ou THC, par erreur et méconnaissance, ou encore sciemment pour volontairement adultérer et modifier la plante naturelle en vue de dégager plus de profits.
La taille et l’étendue du marché du HHC est inconnue. Les produits sont principalement vendus dans des boutiques consacrées au CBD ou à des produits liés à la vape, qu’ils soient en ligne ou in situ, ainsi que dans des bureaux de tabac. Ces produits peuvent aussi être importés en Europe depuis les USA.
Il existe une grande demande pour le HHC. Cette demande provient aussi bien de personnes déjà usagères de cannabis riche en CBD ou en THC que de nouveaux consommateurs, tous attirés par son statut légal. Les nouveaux consommateurs incluent des jeunes, majeurs ou non, ainsi que d’autres personnes sans expérience d’usage de cannabis. Aux USA, on peut noter une plus grande attirance pour le cannabis synthétique ou semi-synthétique dans les États n’ayant pas légalisé le cannabis, à minima pour son usage médical.
Dans certains cas, la facilité d’accès aux produits au HHC participe à la promotion de leur usage et cela est parfois renforcé par les allégations de certains vendeurs sur la prétendue supériorité, y compris sanitaire, du HHC comparé au “mauvais-parce-qu’illégal” THC. De plus, les bonbons ou stylos à vaper sont discrets à utiliser en public et les e-liquide HHC sont compatibles avec n’importe quelle e-cigarette.
D’autres néo-cannabinoïdes de synthèse (Spice, Δ8-THC, etc) existent depuis plus longtemps et des versions différentes sont régulièrement inventées afin de contourner les lois prohibant le cannabis naturel, au détriment cependant de la santé des usagers.
NORML France déconseille l’usage des Cannabinoïdes Semi-Synthétiques (SSC)
La prohibition rend tentant de vouloir consommer du HHC. Ce cannabinoïde peut être acheté légalement, consommé légalement et il apporte des effets similaires au THC. Plus besoin d’aller sur le marché noir, tout est disponible à la boutique du coin ou en ligne. Un avant-goût de légalisation en somme. Ce cadre faussement légal donne un sentiment de confiance dans la qualité des produits, par rapport au marché noir. Pourtant, le HHC évolue dans une zone grise et pour l’instant rien ne permet de maîtriser les différentes méthodes de production, d’être assuré du suivi de standard de fabrication, par exemple protecteur pour les usagers.
Des analyses menées par l’association Not For Human ont permis de mettre en évidence certaines méthodes actuellement utilisées sur le marché du HHC. Sur les fleurs de HHC, de l’Isopropanol (alcool isopropylique) a été détecté et celui-ci est suspecté être utilisé pour diluer les isolats de HHC vaporisé ensuite sur les fleurs de cannabis à forte teneur en CBD. Par ailleurs, des composés tels que des solvants organiques ou des acides entrent dans la fabrication de ces SSC à partir de cannabinoïdes naturels comme le CBD ou le THC. Ces composés restent encore détectables par un manque de nettoyage des produits.
Les exemples de l’usage de certains SSC aux États-Unis doivent nous appeler à la vigilance lors de la consommation de ces produits qui se développeront demain aussi en France.
Si vous souhaitez malgré tout consommer ces cannabinoïdes, nous vous conseillons de les consommer sous forme de distillat incorporé à des edibles ou des produits de vaporisation afin d’éviter la consommation de fleurs enrichies en cannabinoïdes.
Fallait-il dans l’absolu interdire le HHC comme le souhaite le ministre de la santé ? Non. Ce n’est pas l’interdit qui permettra de protéger les usagers. Les SSC seront toujours disponibles d’une façon ou d’une autre. En revanche, fallait-il suspendre la vente pour assurer la sécurité des usagers ? Probablement oui. Mais pour cela, il aurait fallu ne pas louper le coche de la régulation : suspendre pour mieux penser un cadre et réglementer les modes de production pour mieux protéger les usagers. Car à l’heure actuelle, seule la production a été mise en cause et, à la différence d’autres cannabinoïdes de synthèse ou semi-synthétiques, il n’existe aucune étude à ce jour permettant d’identifier des effets secondaires dangereux pour les usagers.
Nous regrettons que la prohibition encourage, par l’interdiction d’un produit naturel et dont les effets sont largement connus et reconnus, des usagers à troquer les risques judiciaires, réels et dus à l’interdiction du cannabis, avec des risques pour leur propre santé.
Le HHC, une parade contre les tests salivaires ?
Nombreux sont les usagers qui se tournent vers le HHC à cause des contrôles routiers et des tests salivaires.
Pourtant, selon le retour de certains usagers, il est probable que le HHC réagisse positivement lors des contrôles. Mais il n’existe pas d’études pouvant le confirmer ou l’infirmer.
On peut supposer, et cela malgré que les tests soient conçus pour détecter le THC et non le HHC, que comme les deux composés se ressemblent ils vont produire des métabolites similaires lors de leur passage dans le corps.
C’est pour cette raison qu’il est probable que le HHC rende un test positif, celui-ci ne décelant pas de différence. Cela sera en réalité un faux-positif (au THC), à cause de ces nombreuses similitudes que le HHC partage avec le THC, y compris sa structure chimique et celle de ses métabolites, qui sont les principaux marqueurs utilisés pour détecter le THC dans les échantillons de sang, de salive ou d’urine.
Rappelons toutefois que, bien que nous combattons l’usage massif aux tests salivaires et l’injustice des dépistages positifs malgré l’absence de consommation récente, nous déconseillons toute conduite de véhicule après avoir consommé du cannabis ou des SSC. Comme nous l’avons rappelé, il convient d’attendre de 4h à 8h en fonction du mode de consommation, comme pour le THC.
Le HHC et après ?
Depuis que le HHC a été identifié pour la première fois sur le marché européen en mai 2022, deux nouvelles substances ont rejoint les SSC : le HHC acétate (HHC-O) et le hexahydrocannabiphorol (HHC-P). Ces SSC sont vendus sous les mêmes formes et dans les mêmes points de ventes que les produits au HHC, et il est probable que nombre d’autres SSC émergent sur le marché européen au fil du temps.
Restons vigilants, car les molécules mimant le cannabis et activant les même récepteurs ont parfois causé des accidents graves. D’ailleurs, aucune forme acétate des cannabinoïdes ne doit être consommée : le fait de les chauffer semble entraîner la formation de gaz toxiques, mis en cause aux États-Unis dans la vague de la maladie pulmonaire nommée EVALI.
Rien ne vaut en réalité les différentes variétés de cannabis naturel, avec leur diversité de terpènes et de cannabinoïdes. Utilisées à bon escient selon leur teneur en THC et choisies en toute transparence dans un monde où la plante de cannabis serait légalement régulée et vendue aux adultes quelque soit leur motivation d’usage, le cannabis pourrait alors être bénéfique au plus grand nombre et éviter les dérives que nous connaissons.
Nous continuerons à travailler pour qu’il ne faille pas encore attendre des décennies avant que ce soit le cas.
A lire :
Le rapport de Observatoire européen des drogues et des toxicomanies sur le HHC.