Il y a quelques semaines se tenait à Vienne, en Autriche, la 66ème CND. CND, ce sont les initiales de “Commission on Narcotic Drugs”, le nom anglais de la “Commission des Stupéfiants” de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Comme chaque année, une délégation de NORML France y était présente.

Retour sur cette 66ème CND à travers une série de quatre articles. Ce premier article revient sur les bases de l’ONU drogues, le second revient sur 10 ans de présence de NORML France à l’ONU, le 3ème analyse le dernier rapport de l’OICS, et le quatrième propose une introduction aux enjeux de la feuille de coca, la petite sœur du chanvre.

NORML France est présente depuis 10 ans à la CND, pour défendre les droits du monde cannabique aux côtés de nos partenaires du monde entier. À cette occasion, on a pensé qu’il était temps de rafraîchir la mémoire de nos lectrices et lecteurs sur cet obscur mais important pan de l’ONU.

Organe subsidiaire sur le papier, tout en bas de la hiérarchie de l’ONU, la CND est dans les faits un organe d’une importance primordiale. Contrairement aux autres commissions techniques de l’ONU, la CND est en effet en plus dépositaire de mandats conférés par trois traités internationaux sur les drogues, et est donc en charge de la mise en application du “droit international de contrôle des drogues”. Depuis 1991 la CND sert aussi de sorte de conseil d’administration de l’agence onusienne des drogues, l’ONUDC. CND et ONUDC sont basées à Vienne, la capitale autrichienne.

En plus de cela, la CND a pris l’habitude de prendre ses décisions par consensus plutôt que, comme le veut la coutume, par le vote : c’est le fameux “Consensus de Vienne”. Cela donne aux décisions de la Commission une force particulière –elles reflètent un accord de tous les pays membres des Nations Unies. Et c’est pour tout cela que les décisions qui sont prises à la CND s’imposent généralement aux niveaux supérieurs de l’ONU, y compris l’Assemblée Générale, le Secrétaire-Général, et toutes les agences onusiennes.

Vienne est donc le centre mondial des politiques en matière de cannabis, et les réunions de la CND sont ainsi la porte d’entrée pour une meilleure compréhension des enjeux et problématiques de chanvre et autres drogues sous contrôle des traités internationaux, des plantes et produits par essence transfrontaliers. Avec celui des épices, le commerce mondial des drogues comme le chanvre, l’opium et la feuille de coca, mais aussi le commerce d’alcools, remonte à la nuit des temps. Après des siècles de présence sur tous les continents et d’échanges culturels et commerciaux, ce n’est qu’à partir de la fin du 19ème siècle que des règles de contrôles internationales se sont imposées, jusqu’à aujourd’hui.

Conventions internationales de contrôle de certains médicaments (“drogues”)

  • La Convention unique de 1961 sur les stupéfiants vise à réglementer entièrement le secteur médico-pharmaceutique pour la production et le commerce de certains médicaments et certaines plantes médicinales (distinguées sous le nom de “drogues stupéfiantes”), listées dans les annexes de la Convention (les “Tableaux”). Elle remplace les premiers traités internationaux de contrôle des drogues antérieurs à la seconde guerre mondiale. Elle classe les différentes drogues dans quatre Tableaux qui impliquent différents types de mesures légales et réglementaires que les États sont obligés d’appliquer. Le chanvre (Cannabis) et ses différents dérivés sont listés dans le Tableau 1 de cette Convention.
  • La Convention de 1971 sur les substances psychotropes est à peu près équivalente à la précédente Convention, mais ne s’applique qu’à des molécules isolées (principes actifs purs) et non pas à des plants ni à des préparations végétales. Elle contient aussi 4 Tableaux dans lesquelles sont listées les principes actifs, sous le nom de “substances psychotropes”. Le THC pur (soit isolé de la plante, soit synthétique) y est listé dans le Tableau 2.
  • La Convention de 1988 contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes vient renforcer les conventions de 1961 et de 1971. Elle met en place des mécanismes pratiques (comme l’extradition ou la saisie de capitaux…) pour la coopération internationale dans la lutte contre le trafic illicite de drogues stupéfiantes (Convention de 61) ou psychotropes (Convention de 71). Elle établit également une liste de substances dites “précurseurs”, utilisées dans les processus de fabrication des drogues synthétiques.

Le “système” international de contrôle des drogues : les comparses de la CND

C’est en 1946 que l’ONU crée la CND. Composée formellement de 53 sièges occupés par des gouvernements de différents pays, tous les états membres de l’ONU peuvent néanmoins participer à ses réunions et prendre part aux négociations de ses décisions consensuelles.

La CND se réunit chaque année : une session d’une semaine en mars, plus un jour en décembre. Des réunions inter-sessions sont aussi parfois organisées lorsqu’il y a des thèmes importants à traiter.

En plus des activités formelles de la Commission, les sessions de la CND sont aussi un lieu de rencontre unique de tous les acteurs du monde des politiques des drogues aux quatre coins de la planète : médecins, gouvernements, chercheurs, usagers et usagères, experts en tous genres et personnalités.

Toutes ces réunions se tiennent en Autriche, à l’Office des Nations Unies à Vienne, l’un des 4 sièges de l’ONU, avec ceux de New York, Genève, et Nairobi. Vienne est aussi le siège de l’ONUDC (Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime), de l’OICS (Organe International de Contrôle des Stupéfiants) en plus de la CND.

ONU, OICS, CND : qu’est-ce que c’est ?L’ONUDC est une agence de l’ONU qui se charge du mandat que les Conventions confèrent au Secrétaire-Général (à New-York). C’est au sein des bureaux de l’ONUDC, à Vienne, qu’est hébergé l’OICS, qui n’est pas une agence de l’ONU mais un “treaty body”, un simple organe procédural qui sert de “zone tampon” entre les États, en particulier pour collecter des données sur le commerce mondial de médicaments classifiés dans la Convention Unique de 1961 ou celle de 1971.

Finalement, il y a l’OMS qui est la seule des 4 entités mandatée par les Conventions sur les drogues à ne pas être basée à Vienne, mais à Genève, en Suisse. L’OMS a été souvent tenue à distance des politiques mondiales des drogues, malgré l’importance centrale des questions de santé. Le rôle de NORML France au cours des 10 dernières années a aussi été d’aider à assurer une place plus importante à l’OMS au sein de l’ONU à Vienne, ce qui a mené à la déclassification du cannabis en 2020 et la reconnaissance de son utilité en médecine.

(Source)

En conclusion, la CND, c’est une série de rencontres onusiennes à priori obscures, mais en fait absolument cruciales pour suivre les développements des politiques publiques du cannabis dans le monde et influer contre la prohibition partout et en particulier pour la réforme des lois, et l’évolution des argumentaires et du positionnement politique des pouvoirs publics en France.

Pour vous en convaincre, on vous prépare un résumé des dix ans d’actions de NORML France à la CND.