La présence de concentrations de THC dans le sang ou la salive n’est pas un indicateur fiable de l’altération des facultés à la conduite, selon une analyse documentaire publiée dans la revue Frontiers in Psychiatry.
Des chercheurs affiliés à l’Université de Yale ont évalué plusieurs articles spécifiques sur la question du cannabis et des performances de conduite automobile. Conformément aux analyses antérieures, les auteurs ont noté que la présence de THC dans le métabolisme n’est pas un indicateur cohérent d’altération et que les limites pour le THC imposées par les états américain ayant légalisé ne sont pas fondées sur des preuves scientifique.
Les auteurs ont déclaré : “Alors que les législateurs souhaiteraient que les données montrent une relation directe entre les niveaux de THC dans le sang et l’affaiblissement des facultés à la conduite comme cela est le cas avec l’alcool, les propriétés pharmacocinétiques très différentes des deux substances (…) rendent ce souhait irréaliste.”
Ils ont ajouté: “(…) les études suggèrent que les efforts visant à établir des limites pour déterminer l’altération des facultés à la conduite par le cannabis sur la base des valeurs de THC dans le sang sont encore prématurés à l’heure actuelle. Beaucoup plus de preuves sont nécessaires avant que nous puissions avoir un équivalent au taux d’alcoolémie pour le THC. La pharmacocinétique particulière du cannabis et ses effets altérants variables sur l’aptitude à conduire semblent actuellement affirmer que la définition d’une limite standardisée pour le THC sera un objectif très difficile à atteindre.
Les chercheurs ont conclu : “Jusqu’à ce qu’il y ait un consensus sur des seuils significatifs fondé sur des preuves, nous recommandons aux législateurs de ne pas se fier à une telle réglementation. C’est particulièrement le cas étant donné les incohérences importantes dans les valeurs seuils actuellement déterminées par différents États américains et la base scientifique plutôt faible pour de telles décisions. De telles lois ne peuvent prétendre être basées sur les preuves scientifiques actuelles, qui suggèrent collectivement que les normes basées sur les niveaux de THC dans le sang détectables ne sont pas utiles.”
Ces résultats sont cohérents avec ceux de nombreuses autres études et comités d’examen d’experts concluant que la présence de THC n’est pas un indicateur fiable d’une exposition récente au cannabis ou d’une altération des performances. Un rapport de 2019 publié par le Congressional Research Service a déterminé de la même manière : “Les études de recherche ont été incapables de faire un lien de manière cohérente entre les niveaux de consommation de cannabis, ou de THC dans le métabolisme d’un usager, et l’altération des aptitudes à la conduite. Ainsi, certains chercheurs et la National Highway Traffic Safety Administration ont observé qu’à ce jour, l’utilisation d’une mesure de THC comme preuve de l’affaiblissement des facultés d’un conducteur n’est pas étayée par des preuves scientifiques.”
L’organisation NORML s’est longtemps opposée à l’imposition de seuils de THC pour les cannabinoïdes dans la législation sur la sécurité routière, estimant : “La seule présence de THC et/ou de ses métabolites dans le sang, en particulier à de faibles niveaux, est un indicateur contestable et largement inapproprié pour déterminer la baisse des facultés à la conduite pour les usagers de cannabis. (…) Les législateurs sont invités à envisager d’autres approches législatives pour répondre aux préoccupations concernant la conduite en état d’ébriété cannabique qui ne reposent pas uniquement sur la présence de THC ou de ses métabolites dans le sang ou l’urine comme déterminants de la culpabilité devant un tribunal. Sinon, l’imposition de ces lois de sécurité routière peut devenir un mécanisme injuste permettant aux forces de l’ordre de punir ceux qui n’ont en réalité posé aucune menace à la sécurité routière.”
Aux Etats-Unis, ces derniers mois, les législateurs de deux États – l’Indiana et le Nevada – ont annulé leurs lois sur le THC.
Les auteurs de l’étude ont reconnu qu’une intoxication aiguë induite par le cannabis peut influencer le comportement au volant, mais ont également reconnu que « le risque relatif d’une telle conduite avec facultés affaiblies est nettement inférieur à celui d’autres drogues légale au volant, comme celle résultant de l’alcool ».
Le texte intégral de l’étude, « Cannabis and Driving », est publié dans Frontiers in Psychiatry.
Texte original de NORML, traduit de l’anglais par NORML France.