L’affaire de la boutique Green Heaven à Bordeaux, défendue par l’avocat Nicolas Hachet, membre de NORML France se solde aujourd’hui par une levée de l’interdiction faite aux deux gérants d’ouvrir leur entreprise. Cette décision du juge bordelais est le résultat du travail d’un avocat engagé auquel nous renouvelons notre confiance et qui démontre, par une éthique irréprochable, que l’on peut à la fois co-construire, travailler ensemble, pour défendre les intérêts particuliers, mais bien au-delà l’intérêt général. 

Le périmètre du contrôle judiciaire aujourd’hui réduit à néant est une première victoire qui nous invite à réfléchir aux conséquences de la législation actuelle et de son application sur le terrain. 

Avec la loi du 31 décembre 1970, la plante de chanvre a continué d’être marginalisée malgré un potentiel économique indiscutable. En 2018, à l’heure de la libre circulation des biens et des marchandises, à l’heure de Schengen et des accords commerciaux, et suite à l’externalisation du marché Suisse, la question d’une filière régulée et légale continue de se poser.

Le prétexte de la prohibition de l’usage social d’un cannabis dosé en THC doit-il empêcher toute une filière d’exister ? De jure, la réponse est infirmative, puisque le droit européen l’interdit. De facto, la réponse est aujourd’hui affirmative : producteurs, transformateurs et distributeurs sont en effet contraints de subir une réglementation stricte qui les empêche de pouvoir vivre de leur produit.

NORML France considère que les acteurs économiques d’aujourd’hui seront les instigateurs d’une réglementation raisonnée demain, et qu’il est donc nécessaire de permettre l’existence d’une filière totale et complète du chanvre en France avec un circuit de distribution qui se doit d’être éthique sur le plan de la santé publique comme sur celui de la justice sociale.

L’association rappelle les principes à valeur constitutionnelle de liberté d’entreprendre ainsi que du commerce et de  l’industrie. Ces principes ne sont pas vains, ils sont autant de conditions qui imposent aujourd’hui débat public.

NORML France rappelle aussi son soutien et son amitié pour le Syndicat du Chanvre Bien-Être dans la représentation de ces acteurs économiques antérieurs et émergents, de même qu’elle renouvelle sa confiance au Collectif 420, créé récemment dans le but d’organiser un réseau d’autosupport pour ces mêmes entreprises.

« Il faudrait aujourd’hui autoriser les agriculteurs à valoriser la fleur »

Hors des lectures différenciées de la loi, il nous apparaît aujourd’hui nécessaire de défendre trois grandes idées pour construire ce marché aujourd’hui ébranlé par les interpellations, les perquisitions et les mises en examen qui n’ont pas cessé tout au long de l’été.

La législation autorise aujourd’hui l’utilisation de semences dites « catalogue » issues de variétés produisant moins de 0,2% de THC (la principale molécule psychoactive du chanvre classée comme stupéfiant) mais interdit la la valorisation des fleurs ou des feuilles. Cet interdit ne repose sur aucun fondement sérieux. Personne n’est parvenu, en quatre mois, à verser un argument scientifique étayé pour soutenir cette thèse. Cet interdit provoque, à l’inverse, l’obligation faite aux agriculteurs de jeter une partie des productions et de ne pas valoriser cette partie de la plante alors qu’elle pourrait être le véhicule de bénéfices économiques importants. Ne restent alors que la tige et les graines, vendues à des prix de plus en plus bas face à une concurrence internationale de plus en plus forte.

Pour que nos chanvriers continuent de produire et qu’ils cessent de dépendre de subventions qui tardent à venir ou qui sont difficiles à obtenir, il faudrait aujourd’hui modifier – si nécessaire les dispositions réglementaires afin de permettre l’utilisation de la fleur, et donc d’autoriser les agriculteurs à fournir une matière qui donnera aux entreprises le moyen de réaliser des produits dénués d’effets psychotropes tout en bénéficiant des autres principes actifs légaux majoritairement présents dans la fleur.

« Pérenniser ce secteur en développement et défendre une augmentation du taux de THC des variétés produites »

Notre seconde revendication est de pérenniser ce secteur en développement et de défendre une augmentation du taux de THC des variétés produites en ouvrant le catalogue à davantage de cultivars dioïques. L’augmentation relative du taux de THC dans ces nouvelles variétés (proche du 1% par exemple) permettra de multiplier largement la teneur des autres cannabinoïdes présents dans la plante. A l’instar de la Suisse, il serait pertinent que la France propose un chanvre light, qui s’est montré être un véritable outil de substitution au cannabis riche en THC actuellement largement disponible sur le marché noir. Les effets de cette évolution réelle de la législation permettraient de limiter les effets néfastes liés au régime d’interdiction en deux sens : d’une part, cela réduirait significativement le nombre de consommateurs de produits illicites, et d’autre part, le faible dosage d’un produit légal entraînerait de facto, une rationalisation des consommations.

« Mettre en place une politique publique ambitieuse de soutien à la recherche et au développement en matière de chanvre »

Enfin, et au titre d’une action écologique davantage affirmée, nous considérons que la recherche et le développement en la matière doivent pouvoir être renforcés et soutenus. A l’heure où le nouveau Ministre de l’agriculture est nommé et au moment où le Canada réglemente l’accès à tous les types de cannabis pour les adultes, c’est avec beaucoup d’intérêt que NORML France lui soumettra ses propositions. L’association se tient disponible pour discuter avec les parties prenantes des éventuelles évolutions de ce marché.

NORML France défend une expertise citoyenne exempte d’intérêts économiques et motivée par une conception générale de la société de demain. A défaut de prévoir l’avenir, il est nécessaire de le préparer. La régulation ne se fera pas sans les acteurs économiques locaux. NORML leur renouvelle son soutien. 


 

Communiqué NORML France du 16 octobre 2018 rédigé par Béchir Bouderbala (Direction du plaidoyer) et Florent Buffière (Porte-parole de l’association).

Contact presse : info@norml.fr 

Lire notre précédent communiqué sur la question : A l’heure où le nouveau monde régule, l’ancien interdit les cookies à 0,1% de THC